Comment faire quand on habite loin de sa famille ?

Lorsque mon mari est venu me réveiller en pleine nuit (23h00) pour me dire :
– Junes, Junes ! Réveille-toi, vite, il y a la propriétaire qui t’attend dans le couloir. Elle veut te parler.
Gloups…
– Hein ? Qui ? Que ? Quoi ? Donc ? Où ? La proprio, dis-tu ? Mais pourquoi ?
– Je sais pas, faut que t’ailles voir.
Un rapide coup d’œil à ma tenue (T-shirt long) m’indique que je suis assez présentable pour aller à sa rencontre (on est copines toutes les deux, même si elle reste intraitable sur la date de paiement du loyer ! Business Is Business, Friends !). C’est dans le coltard que je me lève dard-dard, laissant ma bave encore fraiche sur mon coussin, pour longer le couloir, et trouver dans mon entrée :
MA SŒUR ! Suis-je encore en train de rêver ? Est-elle un mirage ?
– REBECCA ! Je n’arrive pas à le croire ! I mean, je t’ai eue hier au téléphone, et tu me disais que tu prenais l’avion pour Paris.
– Bah oui, Banane ! C’était pour te faire une surprise ! Au fait, c’est dans cette tenue qu’on reçoit sa proprio ? Il était temps que j’arrive !
Oui, il était temps, car elle, comme le reste de ma famille, me manque cruellement ! Je me retourne vers Micka et mon fils (il ne dort toujours pas celui-là !), et je leur demande :
– Mais vous étiez au courant, tous les deux ?
– Ça fait plus d’une semaine qu’on le sait, maman ! On t’a bien eu, hein !
– Bande de petits coquins… mais attends, ça veut dire que toi, mon fils, tu as la capacité de garder un secret aussi énorme et… aussi longtemps, et de ne rien me dire ! Va falloir qu’on ait une sérieuse conversation, mon petit !
Je laisse ce dossier pour plus tard, et serre dans mes bras ma petite sœur. Je lui propose un thé, mais avant, je file enfiler un bas (pas un bas/mi-bas, s’entend ! Mais un bas de pyjamas ! Info de la plus haute importance, qui méritait sa ligne dans mon histoire), et je reviens dans le salon. Même si Rebecca et moi sommes épuisées (elle, par son voyage, et moi, par ma vie !), on démarre pour plus deux heures de papotage intensif, histoire de rattraper le temps. Parce que « du temps » avec Rebecca, si je me mets à le comptabiliser, il n’y en a pas eu beaucoup, ces douze dernières années (autant dire une bonne tranche de vie).
Tout a commencé quand trois semaines après être passée devant le Rabbin, mon mari est venu me donner ou plutôt m’annoncer mon cadeau de mariage :
– Chérie, on déménage à Genève !
– Genève ? C’est l’endroit où vivent les Tyroliens ? C’est où, sur la carte, par rapport à Eilat ?
Rien qu’avec cette phrase, on sent la grande âme voyageuse qui sommeillait en moi !
– Euh… non, ceux-là, tu les trouves dans les montagnes italiennes. Moi, je te parle de la Suisse, qui n’est « qu’à » trois heures de Paris en train. Autant te dire qu’en terme de distance, pour nos familles respectives, c’est la porte à côté.
La porte à côté, la porte à côté, c’est vite dit ! Parce que si en théorie, Micka Davis avait raison, en pratique, les choses s’avéraient beaucoup plus compliquées que prévues.
Il était clair que ce n’était pas toutes les semaines qu’on avait la possibilité de sauter dans le premier TGV, pour prendre un café ou faire un simple bisou.
D’ailleurs, lorsque j’avais annoncé à mes parents que je partais vivre à des kilomètres de chez eux, cela avait été un véritable coup de bambou pour nous tous ! Déjà que je venais de convoler…
Une fois installée à Genève, on m’avait dit que quand on est séparés de ceux qu’on aime, c’est les débuts qui sont difficiles (un peu comme le mariage), sauf que malgré les années qui passaient, habiter loin de ceux qui nous lient par le sang, n’est jamais vraiment facile (toujours comme le mariage !).
Oui, mais voilà ! Six ans plus tard, rebelote la roulotte, Micka Davis est revenu me voir pour me dire :
– Chérie, on déménage à New York.
– New York, c’est top ! Mais… c’est encore plus loin du pays où ne vivent toujours pas les Tyroliens.
– Un peu… genre huit heures de vol, pour aller voir tes parents et ton frère. Douze heures de vol pour aller voir tes sœurs. Bah… Mimine, enfin… Tu pleures ? T’es pas contente d’aller habiter dans la Grosse Pomme ?
– Si, si, très contente, mais quand même, quoi ? Entre huit et douze heures, l’ami !
– Allez, sois pas triste, va ! Ça va être super.
Sauf que j’étais…triste. Bien que je m’étais habituée à vivre un peu loin de ma famille, ce n’est pas facile de se dire que l’on va habiter encore plus loin.
Et pour cause… On a toujours l’impression de rater de grands moments familiaux ! À part les mariages et les enterrements, c’est dur dur, de se voir tous aux mêmes moments. On a cette désagréable sensation qu’il se passe plein de trucs auxquels on n’assiste pas ! Il n’est pas rare qu’on apprenne mille ans après qu’il y a eu ça ou ça ou encore ça ! Et quand de nerfs et de rage, tu demandes :
– Mais pourquoi vous ne m’avez rien dit ?
On nous répond, généralement :
– Ça aurait servi à quoi ? T’es pas là, de toute façon !
Paf ! On se le prend dans la Facetime ! Car désormais, WhatsApp, Tango, et autres applis, sont les seuls liens qui nous lient avec ceux qui nous manquent.
Alors parfois, sans raison, on se met à réfléchir à cette vie que l’on a souvent choisie pour le boulot, les études, ou parfois même par conviction personnelle. On ne peut s’empêcher, sans péchés, de penser :
– Et si je passais à côté de la vie des gens que j’aime, au profit de la mienne…
Puis, de temps en temps, on ne sait pas pourquoi, mais dans ces villes qui ne nous ont pas vu grandir, on se sent seul et nostalgique, de cette époque Bénite, où l’on pouvait retrouver son père ou sa mère, ses frères, et sœurs, rien que pour discuter, se voir en vrai, et même pour se disputer, car ce sont les rares personnes qui arrivent à nous dire les vérités que l’on a besoin d’entendre.
Oui mais voilà, si déménager vers d’autres contrées s’avère être un vrai challenge émotionnel, l’expérience peut aussi être très enrichissante sur biens d’autres plans :
On apprendre à se débrouiller, TOUT SEUL ! D’ailleurs, un jour, ma belle-sœur qui était venue « nous visiter » avec sa famille (expression 100 % Genevoise), avait spontanément changé la couche de l’une de mes filles. J’avais réalisé que c’était la seule personne qui m’avait rendu service… gratuitement !
En découvrant la culture d’un pays, avec sa mentalité, on éduque nos cerveaux à être plus indulgents envers ceux qui réfléchissent différemment de nous !
Cela nous pousse à aller vers les autres, et faire de super rencontres, en se faisant des amis… pour la vie, qui vivent justement la même expérience humaine que nous ! Il y a aussi le fait de flipper comme un malade, chaque fois que l’on tombe malade (surtout quand on a des enfants, avec cette phrase qui nous hante : Comment je vais faire ?).
Alors par la force des choses, on devient plus organisé, à tout prévoir du mieux qu’on peut, parce qu’on peut vite se retrouver dans des plans MEGA galère, justement parce qu’on n’a pas la famille à côté !
Et pour le couple, finalement, c’est pas plus mal, car lors des disputes conjugales qui peuvent vite devenir un réel enfer… bah… comme justement, on peut pas rentrer chez nos mères, on est bloqués, ensemble ! Par manque de choix, vous restez… chez vous…et Ô miracle, on s’arrange jusqu’à ce que cela redevienne le paradis entre nous !
Note de l’auteur qui peut pas s’empêcher de raconter sa vie : Lors des disputes, il m’est arrivé plein de fois de faire genre que je partais avec ma valise (vide), pour aller me réfugier dans les escaliers de mon building, et revenir toute penaude quelques minutes plus tard, faute de ne pas savoir où aller ! Mais attention, quand je re-rentre à la maison, j’essaye toujours de le faire avec style et glamour attitude :
– Si je suis revenue, c’est uniquement parce que j’ai oublié un truc. (Quelle mytho, cette Junes, quand même ! Heureusement qu’on la connaît, maintenant !).
Mais surtout, la cerise sur le cupcake : l’extraordinaire avantage d’habiter loin, c’est que lorsque des membres de la famille viennent nous voir, on est extrêmement content, parce qu’on va entièrement profiter d’eux ! Cela va être un concentré de bonheur intensif, car on sait que nous sommes limités par le temps de leur séjour ! On ne voudra pas perdre des moments en disputes, en conflits, en règlements de compte, auquel nous serons probablement confrontés, si on habitait justement à côté.
Avec enthousiasme, on les intègre tout entiers dans notre quotidien, pour qu’ils voient notre évolution en tant que femme/mère/ cuisinière/ épouse, et même amies ! Cela sera non sans fierté, qu’on voudra leur montrer : C’est dur sans vous, mais regardez, j’y arrive quand même !
Le temps de leur visite, sera vécu comme des véritables petits bouts de vie que l’on va chérir, par des rires. Nous serons parfaitement comblés, juste par leur présence physique, car le reste finalement, n’a plus vraiment d’importance.
Ce que j’ai vécu avec Rebecca pendant plus d’une semaine était unique et intense. Elle était là rien pour moi, pour mes enfants et ça, ça vaut de l’or ! On a fait des tas de choses, dont l’emmener voir une pièce Off-Broadway Mr. Butterfly, avec Clive Owen, (D’ailleurs, je crois qu’elle en est encore toute choquée, même huit jours après !)
Puis est venu le moment où elle a dû repartir dans sa ville, pour me laisser dans la mienne, encore… Et là, la voyant partir, sa valise (remplie) à la main, j’étais incapable de l’accompagner jusqu’à l’aéroport, car la tristesse était trop forte. Mon visage commençait à rutiler de larmes, quand soudain Reb’ et moi, avions entendu la phrase de mon grand (encore lui !) :
– Quand est-ce que tu reviens nous voir…
Je dédie ces quelques mots à ma propre famille, que j’aime de tout mon cœur, et à tous ceux qui sont loin de chez eux, qu’on oublie pas peu à peu…
Bisous mes choux ! À lundi !
À moins que je vous raconte d’ici mercredi la fameuse pièce (traumatisante) de Théâtre qu’on a vu…suspense….suspense….
Tous les livres de Junes Davis sur junesdavis.com

Blogs Récents