L’année dernière, légèrement en retard sur l’horaire recommandé, en fin d’après-midi, je me dirigeais vers ma super syna d’amérloques à deux blocs de chez moi. Avant de m’octroyer le droit d’y mettre les pieds, un gars de la sécu (oreillette et accent israélien à la Fauda), avait fouillé mon sac plein de nourriture que j’avais ramenée pour le cassage du jeûne (Ne criez pas au scandale car dans mon secteur, j’ai le droit de porter. Ouf, on se détend !). Pas vraiment fraiche comme une rose du matin, je venais tout juste de sortir de ma sieste kippourienne (enfants et mari étaient déjà à l’office depuis un moment). D’un œil vitreux et morne, je regardais à peine la grande pancarte à l’entrée, où étaient inscrits les quatre offices de Kippour, qui se déroulaient tous en simultané à quatre endroits différents. Ne voulant absolument pas rejoindre celui de mon mari, cent pour cent ashkénaze, j’allai à celui des sépharades. À chaque fois que j’y vais, il me retrouve cachée en boule dans un coin chez les femmes, toute recroquevillée sur moi-même en pleurs, tant les chants sont beaux et intenses ! Pour moi, il faut que la prière, ça reste funky et que j’entende le son de lettres gutturales qui font vibrer la glotte avec un petit raclement, pour me sentir en phase.
Je poussai les portes battantes du lieu, et découvris sur un mur une énorme banderole avec écrit en hébreu : Bérouhim Abbaim/ Bienvenue, avec une phrase notée juste en dessous : Si vous n’arrivez pas à déchiffrer cette inscription, contactez ce numéro vert. Nous avons le pouvoir de vous aider. Rien qu’avec ça, j’aurais dû me méfier, mais comme ce jour-là, comme à chaque jeûne, j’avais la tête dans le chou, et n’y avais pas fait gaffe. Je repérai une chaise libre chez les femmes, et sans regarder ni à droite, ni à gauche, je traçai pour m’assoir. J’ouvris mon livre, et jetai un œil à la grosse horloge qui m’indiquait que la lecture de la Néila (la prière de clôture) n’allait pas tarder à commencer. J’attendais que le Rabbin finisse la lecture d’un texte en anglais pour m’y mettre. Le problème c’est qu’il ne s’arrêtait pas avec ses « Please Lord, forgive us ! King of the World, Save us ». Vint l’heure de 19h00, et je me suis dis que c’était tout de même bizarre que sa lecture en anglais prenne autant de temps !
Pour voir si mes compagnonnes de prière étaient aussi étonnées que moi, je décidai de me retourner pour voir. Surprise mais pas plus que ça, je découvris que l’assistance était composée de deux dames d’origine hindoue, et trois autres qui venaient sûrement de Chine, parce que je les entendais parler mandarin (genre la fille qui sait faire la différence avec le coréen). Heureusement que deux rangées plus loin, je reconnaissais deux sœurs de couleurs d’origine haïtienne, pour les avoir déjà vues le reste de l’année à la syna.
Rassurée par la présence de mes copines, je replongeai le nez dans mon livre. De plus, le rabbin annonça qu’il allait prononcer un mini speech avant de commencer la cérémonie avec Choffar. Fiouff ! Tout allait bien. Je me revois même légèrement transportée par son discours fort intéressant qui expliquait que nous sommes tous des sportifs de haut niveau rien qu’en observant le trio gagnant du Chabbat, Cacherout, et Nida. Comme les athlètes, qui ont tous un sport de prédilection, type : baseball, le lancer de javelot, ou même la pétanque. Ces différents sports pourraient être comparés à la Tsédaka, la visite des malades, ou lire ses messages WhatsApp et faire croire qu’on ne les a jamais reçus alors que les deux flèches bleues indiquent le contraire ! ON NOUS MENT ! LA SOCIÉTÉ NOUS MENT ! TOUT LE MONDE LIT SES MESSAGES WHATSAPP ! (Mince une coquille s’est glissée dans le texte). En gros, on ne peut pas être parfait dans toutes les catégories, mais on peut en choisir une qui nous plait, et l’exalter au max ! J’avais adoré la métaphore, et l’avais même notée mentalement (quand ça m’arrive, j’imagine toujours une plume effectuer des pas de danse entre l’encrier et un parchemin imaginaire qui se trouvent juste au-dessus de ma tête).
Et puis j’attendis encore en me demandant quand les gens allaient se décider à chanter le fameux El Nora Halila.
Soudain, le chantre s’était mis à entonner un air bizarre en anglais. J’étais vraiment en train de flipper car il était 19h35, et la fête se finissait à 19h40 !
Paniquée, j’avais tenté de m’enfuir (BOUGE JUNES ! BOUGE, TANT QU’IL EST ENCORE TEMPS) mais dès que j’avais atteint les portes battantes, le son inimitable du Shofar avait résonné dans mon âme et m’avait obligée à rester figée à quelques pas de la sortie de cet endroit bizarre.
J’étais retournée à ma chaise, car j’avais entendu le Rabbin enchainer avec la prière de la Havdala, (toujours en anglais !) et ainsi me donner l’autorisation de me jeter sur le petit pain au choc, qui attendait au fond de mon sac d’être mangé.
J’étais ressortie de là avec l’étrange sensation d’être passée à côté de mon Kippour, même si j’avais quand même chanté la Néhila en play back et en hébreu. Dès que j’avais rejoint mon Duc de mari qui m’attendait avec les kids dans le lobby, je lui avais raconté ce que j’avais vécu :
Le bougre s’était mis à rire, pour m’entrainer vers la pancarte de l’entrée :
– Mimine, regarde ce qu’il y a écrit. T’es partie dans le groupe OPEN & BEGINNERS.
– Des quoi ?
– Open ça veut dire pour tous publics, et beginners, pour les débutants. Chaque office correspond à un niveau, et toi, t’as pas été dans le bon ! En fait, la prière était en anglais parce que les participants ne savent pas lire l’hébreu.
– WHAT ??????! À ma décharge, je ne savais même pas qu’un office pareil pouvait exister !
Alors cette année, je vais essayer l’exploit inouï de ne pas me planter de groupe, et d’avoir la grande chance d’écouter cette fameuse mélodie de la Néhila. Elle qui saura nous accompagner pour le reste de cette nouvelle année. On croise les doigts très fort pour que ça arrive !
Je vous embrasse mes amis, et on se retrouve juste après les fêtes. Très bon jeûne.
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