Il y a quatre ans, j’étais en tournée dans toute la France pour la promotion de mon quatrième roman. Lorsque l’on est écrivain ou peintre, on est à 80 % seul devant son écran ou sa toile. Seuls nos personnages imaginaires ou nos pinceaux nous tiennent compagnie.
Être en tournée, est la seule fois où je peux pleinement être proche de mes lecteurs que j’aime tant. Je chéris ces moments car ils représentent l’essence de mon essence d’écriture. Au cours de mes dates promotionnelles, il arrive que je partage l’affiche avec d’autres personnes pour animer les soirées. Jusqu’à ce soir-là, je n’avais jamais eu à « tirer la couverture pour moi », ou me battre pour avoir le micro, car tous les intervenants sont toujours d’une bienveillance merveilleuse. Et puis, il y a eu cette soirée ou nous étions supposés être cinq à parler. Les organisateurs avaient prévu minutieusement 20 minutes pleines par intervenant. J’étais la dernière à passer pour présenter mon travail. Il était 21h30. La soirée battait de son plein. Une ambiance fabuleuse flottait dans les airs. J’étais très heureuse d’attendre mon tour. On passa le micro à un professeur d’Histoire qui devait présentait un nouveau projet éducatif. Passionné, il ne se rendit pas compte qu’il avait largement dépassé son temps de paroles. Paniquée de constater que peu à peu les gens s’en allaient, je demandais discrètement aux organisateurs d’intervenir pour avoir enfin ma place à cette soirée. Il faut savoir que pour être présente à cette soirée, j’avais parcouru plus 560 kilomètres en train dans la journée, m’étais levée à 4 heure du matin et avais porté plus de 80 livres. Hélas, ce soir-là, je n’eus aucune chance de faire ma présentation car le Monsieur n’avait pas su me faire une petite place. Les organisateurs impuissants avaient été désolés et moi je rentrais avec tous mes livres dans mes valises, avec la tristesse de pas avoir pu parler à mon tour. Le soir même, après de longues plaintes auprès de mon mari par téléphone, il me consolait comme il pouvait en me disant de faire comme d’habitude et de parler à Hashem.
En raccrochant, comme tous les soirs, j’entamais ma conversation avec D. en lui disant que j’acceptais ce qui s’était passé et que même si j’avais ressenti de la peine, je lui faisais entièrement confiance.
Le lendemain, je préparais mes affaires pour rentrer sur Paris. Avant d’aller à la gare, j’avais donné rendez-vous à une amie pour prendre un café avec elle en tête à tête. Qu’elle fut ma surprise lorsque je suis arrivée au rendez-vous et découvrais une terrasse remplie d’une partie de mes lectrices et de leurs amis.
Mon amie avait assisté à ce qui s’était passé la vieille, et avais eu tellement de peine pour moi qu’en deux-deux, elle avait organisé une vraie rencontre auteure/lecteurs. Non seulement j’avais eu ma place, mais une place d’honneur puisque j’avais pu expliquer mon travail et à l’issue de cette mini conférence improvisée, avec vue sur la mer, vendre tous mes livres ! C’était légère de poids dans mon âme et dans mes valises que je prenais le train vers Paris.
Donner sa place à l’autre est tout un art auquel il faut s’efforcer de travailler. Accepter de laisser l’autre briller, n’est pas de la soumission mais de la profonde modestie envers notre Créateur qui fait toujours tout pour le bien ! À son image, Lui qui nous a donné, une place dans ce monde, donnons la place à l’autre sans jamais avoir peur de perdre la nôtre.
Comme dirait ma fille : Papa c’est le soleil qui brille par sa force, et maman, c’est la lune qui scintille grâce aux étoiles autour ! Chacun sa force et chacun sa place car nous sommes tous complémentaires de l’autre.