Quand ton enfant n’est pas comme les autres…

Quand ton enfant n’est pas comme les autres…

Depuis petite, l’une de mes filles ne parle pas aux adultes. Elle a pris l’habitude de hocher la tête quand quelqu’un d’extérieur à la cellule familiale lui pose une question. Face à cette timidité aigüe, les adultes ont tendance à le prendre vachement mal. Soit ils remettent leur vie en question « Qu’est-ce que je lui ai fait ? Pourquoi elle me parle pas ? », soit ils oublient qu’elle n’est pas invisible et qu’elle entend tout « Elle a quoi ta fille ? C’est quoi son problème ? Elle est bizarre, non ? Bah dis donc elle est pas polie cette petite fille. »

En observatrice hors pair aux yeux revolvers, Fiffile 2 n’hésite pas à me confier ce qu’elle pense à l’oreille (un peu comme Raj dans The Big Bang Theory) et je peux vous assurer qu’en privé elle parle beaucoup, BEAUCOUP.

Du coup, au temps où elle allait à l’école, comme elle refusait de parler à sa maîtresse, on m’avait fortement suggéré d’aller la faire consulter par un psychiatre. Connaissant les rouages du système éducatif américain, le Roi Du Maroc et moi-même savions d’avance que ce n’était même pas la peine de tenter de les faire changer d’avis. D’ailleurs, si vous comptez un jour venir vous installer aux États-Unis, laissez derrière vous la révolution française. Elle et vous seront broyés comme des insectes par un système ultra huilé ! Donc, pour m’éviter 24 convocations à l’école, j’ai trainé Fifille 2 à son rendez-vous. Sur le chemin, j’ai expliqué à mon double en miniature qu’elle allait devoir parler à un monsieur et lui raconter pourquoi elle refusait de parler aux grands.

–Mais tu m’as toujours appris de ne pas parler à des inconnus !

-Oui, mais là c’est un docteur, va falloir essayer de faire un petit effort ma chérie.

–Un docteur ? Mais je vais très bien et tu sais que je ne le fais pas exprès de ne pas parler aux grands.

Je poursuivis notre route en me demandant encore pourquoi j’embêtais cette gosse. C’est vrai quoi, Fifille 2 est une enfant gentille, qui se débrouille plutôt bien à l’école, qui mange, qui dort (contrairement au reste de sa fraterie qui sont de véritables chauves-souris qui vivent la nuit…et le jour !). On patiente un peu et la porte du bureau s’ouvre. Nous voilà nez-à nez avec le docteur. Et là, je suis bloquée. JUNES-PSY-BEAUGOSSE.

Je m’attendais à rencontrer un hybride entre Sigmund Freud et le Rabbin de ma communauté (Radio cliché bonjour !).

Avec ses cheveux mi- longs blonds, sa chemise hawaïenne ouverte sur trois boutons (serait-il Tunisien !?), ses dents ultra-blanches à l’américaine, j’aurais presque pu entendre le cling du sourire de la pub ultra bright… (S’il m’avait souri) j’en perdais mon anglais ! Il m’a tout de suite fait penser à un surfer, style Kelly Slater. Vous savez cet acteur qui a joué dans Alerte à Malibu. Bah oui, à la grande époque du show, il n’y avait pas que les gars qui était en alerte.

 

La touche improbable à cette sculpture grecque c’est qu’il était…pied nu ! J’ai voulu lui demander s’il venait du Mississippi comme Tom Sawyer mais vu son visage fermé, je me suis contenté de rentrer dans son bureau. Allez c’est l’Amérique, cela fait partie du folklo local ! On prend place dans les 12 m2 (les superficies coûtent cher à Manhattan même pour les pédopsychiatres) et nous fait asseoir sur un canapé. Heureusement que je ne me suis pas allongée, j’aurais tout de suite envoyé les mauvais signaux. Toujours sans sourire, le regard aussi froid que si John Snow m’avait soufflé en plein visage : « Winter Is Coming! » il me demande de décliner mon identité. NOM/PRÉNOM/ÂGE/PROFESSION. Me croyant marrante, en essayant de dégeler le congélateur en face de moi, je lui demande s’il veut mon nom d’artiste ou mon vrai nom. La blague tombe à l’eau et se retrouve direct dans l’océan du Pôle Nord. Je me surprends à serrer la petite main de Fifille 2 à mon tour. Il me demande de lui expliquer avec beaucoup de détails pourquoi je suis là. Je veux lui répondre « pour que l’école me laisse tranquille » mais préfère lui exposer la situation. Il hoche la tête, fronce ses sourcils blonds (Il doit se les épiler, ce n’est pas possible tant de précision!) et le voilà, qui ramène ses pieds nus à sa main et se met à les tripoter. Oh my God ! Je vais vomir. Troublée, je m’interdis de regarder vers cet immonde tripotage jusqu’à ce que fifille 2 le remarque aussi et me dis à l’oreille qu’elle le trouve bizarre. Le psy Hawaïen-Tome-Sawyer-fétichiste des pieds m’ordonne de lui dire à voix haute la réflexion de Fifille 2. Violette de honte, j’invite un mytho. Il tente encore un peu de déverrouiller Fifille 2 et brusquement il me prit de me taire. Je ne dis plus un mot, et vis l’heure la plus longue de ma vie ! Of course, comme il est inconvenant de sortir mon téléphone pour tuer le temps, je réfléchis aux multiples possibilités pour tuer ce soi-disant docteur, sans que la police ne remonte jusqu’à moi ! Lui écraser la cervelle avec une planche de surf me parait idéale ! Ma fille qui a avalé sa langue pour de bon s’obstine dans son silence et ne répond à aucune des questions. En même temps, je trouvais les questions aussi passionnantes que celles de questions pour un champion que tu regardes seulement lors de tes insomnies. Donc nous voilà dans un silence de mort, pesant, étouffant. Je veux me barrer mais je ne peux pas car le va-nu-pieds doit faire un rapport à l’école. Au bout des 45 minutes, me croyant enfin libre, vint l’heure de son diagnostic :

–D’après ce que j’ai entendu (bah t’as rien entendu coco), votre fille souffre d’un mutisme périodique. En général, tout est à cause de la mère (ben voyons !). Dans votre cas, TOUT doit est votre faute car votre fille a trop confiance en vous. Je voudrai que vous me raconter si avec votre mari il vous est arrivé de vous disputer un jour devant vos enfants.

–Jamais ! Mon mari et moi se fâcher ? Non, cela ne nous est jamais arrivé.

–Pourtant il arrive en de rares fois que le couple peut hausser le ton devant les enfants.

Je suis morte de rire à l’intérieur tellement le terme « de rares fois le couple hausse le ton » car chez nous, c’est plutôt de rares fois que nous utilisons un ton sans le hausser. Il nous prescrit 3 séances par semaine minimum, à 400 dollars l’unité, payable en liquide uniquement (ben voyons bis !) sur une période de six mois. Je prends mon papier presque en lui arrachant des mains et me fais la réflexion que ce médecin est finalement devenu moche. Ses cheveux long blonds sont ternes, ses dents sont peut-être blanches mais elles ne servent qu’à exprimer la froideur de son cœur. Sur le chemin je demande à ma fille ses impressions sur ce que nous venons de vivre et la seule chose qu’elle a retenu c’est qu’il s’était touché les pieds pendant toute la moitié de la séance.

Cinq mois plus tard, Fifille 2 n’a jamais autant participé à la classe par Zoom. Chaque fois qu’elle croise des voisins, ou une de mes amies, le Doorman etc, elle leur dit bonjour sans que j’ai besoin de le lui demander ! Je crois surtout qu’elle a grandi et qu’elle avait besoin de temps. J’en viens à la conclusion que le jour où l’on laissera les enfants évoluer à leur rythme sans les forcer à faire des choses qu’ils sont censés faire quand nous, les adultes, l’avons décidé, la pression que l’on se met descendra d’un coup !

Alors la prochaine personne qui vous dira que votre enfant est bizarre, étrange, particulier, surtout ne vous prenez pas la tête, car c’est seulement par rapport aux critères de cette personne et non par rapport à votre enfant. Votre petit chou aura toute sa vie pour apprendre les couleurs, à tenir son crayon ou taper la discute à qui il veut. Ne soit jamais en stress bab’ car chacun son rythme, chacun son chemin, passe ma chronique à ton voisin.

Je vous embrasse bien fort.

Annonce : Bientôt une nouvelle adresse pour mon blog https://www.junes-davis.com/ Vous trouverez toutes mes vidéos, mes chroniques, mes bons plans, mes critiques ciné-livre-série, un peu comme un magazine en ligne. J’espère que cela va vous plaire.

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