Depuis deux ans environs, mon mari souhaite que l’on déménage. Et qui dit déménager, dit visiter des apparts. L’année dernière déjà, d’avril à juin, j’avais sillonné en trottinette les rues de Manhattan pour nous dénicher un nouveau « chez nous ». Après moult visites infructueuses, je l’avais finalement entendu me dire : en fait, on n’est pas si mal chez nous. Euh ok ! Et merci de m’avoir fait perdre mon temps ! Cette année, c’était la même histoire, l’envie de bouger l’avait repris. Grand bien lui face, sauf que la Davis ne se déplace plus pour rien ! (Pas folle la guêpe !). Il faut vraiment que le produit en vaille la peine.
Un matin, vers dix heures, je recevais un message du Roi du Maroc. Il me demandait de foncer à une adresse avec pour notification : ça a l’air de folie. Je laisse tout en plan et roule jusqu’à l’adresse indiquée. Je me présente à la réception. Là se trouvent plusieurs Dormans. Ils me demandent de patienter dans le lobby. Je leur confie au passage mon portable avec mon chargeur car j’avais très peu de batterie (autant rendre l’utile à l’utile). Au bout de dix minutes, un gars qui sent l’eau de Cologne bon marché, se présente et m’informe qu’il est le représentant de l’appart. Au bout d’un long couloir, on monte dans un ascenseur qui fait 3 m2. Il appuie sur le 37e étage, (Oye je vais vomir à cause de la hauteur et la proximité ambiante). Le gars très propre sur lui, me glisse qu’il aime bien mes chaussures. Je remercie poliment. Il va jusqu’à me demander la marque. Je re-réponds re-poliment :
– Filas.
Il conclue avec un « nice » et ne dit plus rien. Il ouvre la porte de l’appart et me souffle dans mon oreille qu’il aime bien ma robe. La dite robe était une robe longue avec la tête de Mickey Mousse. Pas vraiment sexy lady, quoi ! Je lui sors un vague merci et commence à regarder l’objet de ma présence ici.
Dans ces cas-là il y a deux types d’agent immobilier : celui qui reste en retrait et attend gentiment que « le procpect » fasse le tour du proprio. Et celui qui pense que plus il parle, plus il incitera le client à prendre le bien :
–Alors là vous avez des placards. Puis là vous avez la cuisine.
Je ne blâme personne (encore heureux ! Manquerait plus que ça !). Chacun fait son job comme il le sent !
Le problème c’est que notre bonhomme du jour se met à me suivre à travers chaque pièce et ne nous laisse pas une distance de sécurité convenable. Soudain, tous les films de psychopathes qu’M6 dédie les après-midis depuis des années aux ménagères de moins de 50 ans, me remontent au cerveau. (Généralement pendant le repassage. Je me revois rester le fer en l’air au moment où l’héroïne se fait trucider par la voisine folle). Je me mets alors à imaginer les pires scénarios surtout que quand on y pense, le gars peut faire ce qu’il veut d’une demi-portion comme moi dans un appart quasi vide.
Je lui demande fermement de reculer et de me laisser de l’air. Il me sourit et me dit : ah Sorry ! Et sinon, comment tu trouves l’appart ? avec un regard que je juge bizarre.
Sentant mon interlocuteur pas net, même si son visage me dit tout à coup vaguement quelque chose, j’écourte la visite .Il me raccompagne dans le vestibule (oui il y avait un vestibule mais les chambres étaient beaucoup trop petites.) et me tend la main en guise d’au revoir. Là j’hésite à lui mettre un vent, mais comme on est en mai, je suis censée faire ce qu’il me plait, j’ignore sa main et le laisse en plan.
Je cours jusqu’à l’ascenseur et appuie comme une malade sur le bouton. Mais comme l’immeuble A cinquante étages, il met trois plombes à venir. J’entends l’agent revenir et me remets à appuyer (reflexe qui ne sert à rien !) car je flippe bien de me retrouver nez à nez avec lui. Je décide de prendre les escaliers. Bah voyons 37 étages ! Allez mimine, ça va faire fondre les graines de couscous de vendredi soir dernier qui sont encore bien présentes dans mon organisme (et sur ma balance). J’arrive toute haletante au rez de chaussée et tombe sur une Mother de l’école qui me dit qu’elle va à un cours de Yoga (mais en fait c’était de Torah, j’avais mal entendu). C’était une dame que je connais plutôt bien, preuve en est que le matin même, j’avais reçu la carte d’invitation de la Bar mitsva de son fils. Spéciale dédicace, à la tête du petit Kevin sur le timbre (c’est beau d’être riche et d’avoir des idées !).
Moi qui avait laissé au 37e étage mon intelligence émotionnelle, je commence à lui raconter ma mésaventure. Je n’hésite pas à mettre des couches et des couches sur le Brooker-psychopathe- propre sur lui. Je conclue théâtralement :
–Y a vraiment des tarés dans ce monde.
C’est là, que Mother de l’école dit à un monsieur derrière moi : « Hello honey, ça y est tu as fini ta visite ? je te présente la Maman de Fifille 1. » Sans me retourner, je comprends que celui que je viens de critiquer pendant trois bonnes minutes n’est autre que… le Brooker-psychopathe-propre sur lui.
Une tension palpable s’était installée entre nous. De honte, j’ai vite écourté notre conversation. Et Mother de l’école la concluait par un « J’espère que toi et ton mari, vous viendrez à la BM. Euh oui, oui, on verra ! Merci encore pour l’invit’ ».
Rouge de honte, je m’enfuyais de l’immeuble, suivie d’une Madame culpabilité qui n’arrêtait pas de me faire la morale : « Tu pouvais pas te taire, sérieux. Faut vraiment que tu travailles sur toi pour arrêter de trop parler.Je sais pas moi, fais de la méditation, ou trouve un truc dans ce genre mais fais quelque chose ! ».
Le mieux était de ne plus jamais leur adresser la parole car, sans aucun, j’avais sûrement déclenché une violente dispute entre eux, voire une guerre. J’aurais leur divorce sur ma conscience, la vielle de la BM de leur fils, en plus (la fille qui n’est pas du tout dans le drame !). Je continuais durant encore un block à m’inventer des problèmes. Quand tout à coup, je me rends compte que j’avais oublié mon portable et mon chargeur dans le lobby. Je retournais sur mes pas, afin de récupérer mon bien le plus précieux (après ma famille, of course !). Et là, mon regard s’égara vers Mother de l’école et Dad-Brooker qui étaient amoureusement enlacés. Ça empestait la Love story passionnelle entre ces ceux-là. En les regardant, cela me donnait l’envie d’envoyer un petit message à mon homme pour lui dire que je pensais à lui et que j’avais hâte qu’il rentre à la maison. Je restais encore quelques secondes à savourer l’image d’un couple très amoureux, malgré leur 4 enfants. (Et alors ? Quel rapport avec le nombre d’enfants ? Je sais pas, ils peuvent être débordés et zapper la notion de couple, non ? Apparemment non.)
Le cœur serein et débordant d’amour, comme s’ils avaient un peu déteint sur moi, je lisais la réponse (que j’espérais romantique) de mon mari.
« Alors ça va ? Comment était l’appart ? J’ai pas compris le message que tu m’as envoyé ou tu me disais que tu pensais à moi. T’es sous ecstasy ou quoi ? Tu m’inquiètes. Réponds. »
Je riais de bon cœur et repartais vers chez moi, non sans prendre quelques résolutions : Reprendre les cours de Krav Maga que j’avais laissés tomber l’année dernière. Envoyer plus de messages sympas au Roi du Maroc pendant la journée. Arrêter d’aller visiter des apparts qui ne servent à rien. Mais surtout répondre oui à la BM du petit Kevin qui d’après la rumeur va être Grandiose ! Genre Coco mais à l’américaine. Hâte de vous raconter ça.
Je vous embrasse bien fort. À très vite.
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