Il y a une sorte de contrat entre « mothers » qui est assez facile à respecter, si on ne veut pas se faire détester (voire haïr) par ses pairs : on se serre les coudes, et on essaye de se comprendre mutuellement, sans se juger les unes les autres, car comme dit ma propre mother :
– Chacune fait comme elle peut !
Celles qui dérogent à la règle, et qui pensent s’en sortir mieux que les autres en crânant (tout est une question d’organisation, chérie !), méritent deux sévères châtiments : être brûlées vives (j’exagère à peine !) ou qu’on en rigole !
Je choisis la deuxième option, parce qu’elle est plus sympa (et puis surtout, parce que j’ai pas envie de finir en prison pour ça ! À la limite, pour faire partie de la bande de Casa de Papel et braquer des banques, mais sinon, ça vaut pas le coup !).
Depuis quelques années déjà, il m’arrive de croiser cette super Mama américaine, qui a D. Bénisse quatre enfants qui sont tous parfaits, comme elle ! C’est un peu les fameux Blonds de Gad, mais version USA, c’est-à-dire que cette mère gère tout à fond comme tous les américains, se sent obligée d’exceller dans tous les domaines jusqu’à l’extrême !
C’est ce que j’aime chez eux, et que je déteste à la fois. En plus, j’ai la sensation que Perfect mom a un aimant (mais non pas un amant, je ne la connais pas assez bien pour savoir si elle voit quelqu’un en dehors de son mari !), un radar en elle, pour me choper dès que je suis en galère. Il suffit que je me renverse un truc plein le t-shirt ou que je tombe par terre, ou encore que j’engueule l’un de mes enfants, on peut être sûr qu’elle est dans les parages. Le pire, c’est au lieu de me mettre à l’aise, et de me dire un mot sympa, ce prototype mi- humain mi- bionique me gratifie toujours de conseils bio et sur l’éducation stricte mais Ô combien bienveillante qu’elle applique à la lettre avec ses mouflets (et avec moi) !
Le plus déplaisant, c’est qu’elle ne me les prodigue même pas sur un ton condescendant cherchant à me rabaisser ou à me nuire ! Oh que non ! Perfect mom in the city est juste comme ça, elle gère tout et sur tous les fronts (qu’elle a bien lisse !)
C’est comme l’autre fois, lorsque je l’ai croisée au supermarché à Trader Joe’s, lorsque je faisais mes courses tranquillou, et nos caddies se sont entrechoqués. Avant même qu’elle me souhaite bien le bonjour, la voilà qui avait déjà relevé ses lunettes de soleil sur sa crinière de rêve, pour passer aux rayons X le contenu de mon chariot.
Perso, je sais pas pour vous, mais quand je fais un plein, je n’ai que trois mots d’ordre : utile, réutilisable (pate, riz and Co) et goûteux (gâteau, sucettes et Nutella, OUI, JE MANGE DU NUTELLA !) et non avec en tête : « équilibré et sain », avec pour slogan « je mange de l’avoine tous les matins, car la céréale industrielle, c’est la route directe vers Diabèteland »
Bref, Madame Yoga est devant moi dans son collant-legging, munie de son tapis bien en évidence sur son épaule, puisque malgré ses quatre grossesses, elle a un ventre en béton armé pour reprendre ses propos :
– Il est encore plus ferme qu’avant mes grossesses ! Tu devrais tester, Junes. Regarde, c’est facile, je me lève tous les matins à 5h30 pour faire mon yoga, cinq fois par semaine. Avec un peu d’effort, on arrive à tout dans la vie !
Avec la petite main compatissante sur mon bras !
OMG ! Même avec ce résultat vivant, je n’ai aucune motivation pour me lever aussi tôt (à part pour écrire, et encore, faut pas abuser des bonnes choses, comme on dit !). En tout cas, ce jour-là, motivée par l’huile de palme ultra cancérigène en pot qui trônait fièrement au-dessus de mes légumes non bio que je m’apprêtais à acheter, la voilà qui me disait :
– Tu sais qu’Hypolin-Mordéhaï et Camille-Esther, mes ainés, adorent manger des choux-fleurs et des choux de bruxelles avec du quinoa. Je leur fais des desserts fait maison au chocolat bio, et l’astuce, c’est que je leur glisse des amandes dedans. Il faut bien la jouer fine avec nos chéris, et puis tu devrais te mettre aux préparations « homemade » c’est super bon pour leur développement personnel.
T’as raison, c’est vrai, mais je préfère consacrer mon temps à faire autre chose, discuter, me fendre la poire, me rouler dans l’herbe avec eux, tu vois !
Bien évidemment, je n’ai absolument pas donné cette réponse franche et honnête. Au lieu de ça, je lui ai demandé le plus sérieusement du monde pourquoi elle ne se lançait pas dans la production de grains bio, sur sa terrasse ?
Réponse de l’intéressée :
– C’est trop marrant, mon mari m’a dit exactement la même chose. On se boit un Juice Press bientôt, parce que là, je file emmener le dernier à son cours de cooking. See You !
Mais oui, c’est ça, on se fera un Juice Press… (bars à jus qui deviennent aussi répandus que les Starbucks), et bon cours de cooking avec ton fils de trois mois !
Le mieux, c’est quand Miss Perfect m’explique souvent comment elle arrive à préparer son chabbat en moins de soixante minutes chrono, alors que moi, il me faut trois jours pour être à l’heure, dont deux pour une préparation psychologique.
Ou alors cette fois-là où elle venait d’avoir son baby number 4, où elle criait à tue-tête que tout se passait nickel, parce que le petit dernier faisait ses nuits après seulement une semaine de vie. Et qu’en bonus, son mari lui avait offert un chalet à Aspen en guise de cadeau de naissance, car elle avait réussi à lui faire un autre fils.
Et puis, il y a eu…
Non, mais je suis obligée de revenir sur cette dernière phrase, car il y a un truc qui me révolte plus que tout au monde ! Sous prétexte « qu’elle a réussi » à faire un autre fils, elle mérite un chalet ! Pour les filles elle n’a reçu QUE de vulgaires diamants. Non, mais franchement…
Je ne suis pas la plus féministes des Junes, une femme qui nomme à longueur de chroniques son mari le Roi du Maroc, et son fils le Prince du Sahara (je l’appelle comme ça, maintenant !), n’est pas vachement crédible en termes de revendications égalitaires homme-femme, sauf que… c’est pas parce que je donne un certain respect à mes gars, que je tolère cette honteuse pratique de mettre en avant le fait qu’une femme attende un garçon, plus qu’une fille. C’est comme quand la famille te sort : s’il y a une Brit (une coupure), je viens, mais si c’est une fille, on verra, je ne suis pas sûre que je pourrai. J’ai souvent envie de me mettre la tête dans un seau d’eau bouillante et d’aller faire une manif de protestation dans les rues.
Mais j’ai trop la flemme de le faire, peut-être parce que j’ai pas assez de flamme en moi, mais si je pouvais, j’irais piquer celle des jeux olympiques (je vais vraiment finir en taule !), et je courrais à travers un stade pour hurler : BRIT OU PAS, CONNAIS PAS ! Ou faire passer une loi pour ne plus jamais prononcer cette phrase qui me révolte !
Enfin passons, parce que vendredi dernier, j’ai eu la preuve ultime que perfect mom était comme nous toutes : en galère ! J’étais dans un quartier que je ne fréquente pas trop, je visitais un appart (on doit déménager sous peu, et je suis en panique !), bref, dans l’immeuble que je visite, il y a une boulangerie, et c’est là que je la vois avec sa numéro 3 : Liv-Sarah, de trois ans, qui est en train de lui hurler : « You are the worst mommy ever » / T’es la pire des mères ! » Je la vois limite en pleurs, parce qu’avec tout ce qu’elle s’efforce de faire pour ses enfants, ça m’a fait quelque chose pour elle. Je fonce vers elle, sors ma botte secrète en cas d’extrême urgence pour calmer un enfant : un paquet de Bamba (ou des Apropo, ça dépend !). Je lui demande comment elle va, et enchaine en me renseignant si sa petite mouflette est allergique à la cacahouète.
Elle me dit non. Je sors le paquet, attends l’accord de sa mère, et la gosse est en transe. (On parle de bambas là !) Liv-Sarah les prend, et se jette dans les bras de sa mère en la remerciant. Fioufff ! Tout est bien qui finit bien. En la quittant, ce que je me suis dit, c’est qu’être une perfect mom, ça doit être épuisant ! C’est déjà tellement pas évident d’assurer au quotidien les repas, le ménage, les devoirs, les relations qu’on a avec chacun de ses enfants, que de m’avouer que je suis dans un balagane permanent dans ma vie ou en total freestyle, ne pas me soucier de courir après cette recherche d’être au top, m’enlève un sacré poids ( si seulement c’était dans les hanches aussi). !
Alors be yourself, because you are the best mom ever, for your kids et il n’y a rien d’autre qui compte.
Love you!
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