
Il y a quelque semaines, j’ai été très gentiment invitée chez ma pote Karine qui est The cuisinière! D’origine marocaine, elle s’est d’abord expatriée en Californie, pour ensuite venir s’installer à New York. Peu importe où elle se trouvait sur le globe, notre nomade a toujours continué à cuisiner des plats typiques de son pays d’origine. Cet amour pour la cuisine lui a été transmis par sa mère. D’ailleurs, les livres de recettes de sa maman, sont de nombreux best-seller. Lorsque, j’ai appris que c’était l’auteure herself, de passage chez sa fille, qui allait nous préparer le diner, j’étais en plein kiffe! Je crois que si j’avais gagné un prix littéraire, je n’aurais pas été plus contente! (La littérature française se meurt, Abedérazak !)

Pour ne pas commettre d’impair en offrant un cadeau tout pourri, j’avais misé sur du classique en achetant des bougies parfumées. Pour le côté original, on repassera! À ma décharge, si tu offres une crème de jour, tu sous-entends que ta copine a des rides. Tu offres tes livres, les gens pensent que tu es en auto promo permanente ! Bref….

Accompagnée de mon mari, nous arrivions au diner et découvrions une table magnifiquement dressée! En prime, cela sentait divinement bon. Monsieur Karine, originaire du Mississipi, (Tom Sawyer, c’est l’Amériqueee!) nous débarrassait de nos manteaux en nous entrainait au salon qui grouillait déjà d’invités. En comptant rapidement, nous étions seize élus, mi-franco, mi-locaux. Vu le nombre de nationalités différentes rassemblées ce soir-là, nous étions prêts à organiser notre propre Eurovision. Au moment du placement de table, nos hôtes avaient choisi de séparer les couples. Comme à l’accoutumée, je fus placée à côté du seul célibataire de la soirée. ‼️ Scoop Davis : À chaque fois, CHAQUE FOIS que je suis invitée quelque part, peu importe le nombre de femmes mariées, la seule qu’on placera à côté d’un célib’, c’est bibi !
–Vu comment tu es bavarde, je me suis dit que tu lui feras la conversation. Le pauvre, il est célibataire. Prononcé avec des yeux de cocker.
Un jour, je broierai le terme «le pauvre» qui vient juste après «il ou elle est célibataire» tant je le trouve absurde! Mis à part ça, cette histoire de placement rend souvent mon mari nerveux. Dès qu’on s’approche un peu trop de son os/ sa proie/ sa femme de ménage à temps plein, il a tendance à être jaloux comme un puma.
Lorsque nous attaquions les entrées, José, (le célib’) donna direct le ton intellectuel du diner. Il avait demandé à la ronde qui avait lu le New York Times du jour.

Sa question fit mouche car la majorité avait répondu un « Of course!» groupé. Les deux qui manquaient à l’appel, n’étaient autres que Micka & moi ! Pour ne pas perdre la face, je prétendais que moi aussi, j’avais lu l’article. Un truc hyper émouvant sur une valise retrouvée contenant des lettres manuscrites d’un Monsieur déporté. Rapidement, elles avaient été remises au fils de ce Monsieur, qui n’avait jamais pu connaitre son père. C’était si poignant que j’en eus les larmes aux yeux (la fille hyper émotive!). C’est comme ça que je me suis fait griller en deux secondes par ma copine Karine :
-Bah alors, Juny ! On dirait que tu découvres l’histoire !
J’avoue sans honte (si, un peu) que je me connecte plus souvent à Purepoeple qu’au nytimes.com. Une bibliothécaire, sur ma droite, qui avait suivi l’échange, m’interrogea sur ce que je faisais dans la vie. Je lui répondais timidement que je suis chroniqueuse-écrivaine. En général quand je balance non pas mon porc, ni mon quoi, mais mon métier, cela suscite un vif enthousiaste. C’est trop cool ! Ouaip super cool surtout quand les gens ultra cultivés se mettent à te mitrailler de titre de bouquins (à juste titre !), pour avoir ton avis. Avec Miss Bibli, ça l’avait pas loupé. Plus elle me citait des noms de livres, dont je n’avais pour la plupart, jamais entendu parler, plus je sentais qu’à ses yeux, je perdais en crédibilité. Même la voix de la dame de l’Eurovision qui énonçait d’une voix mécanique :

–French. Junes Davis. Moins huit mille points.
Voilà ce qui arrive Madame, quand on a pas lu l’intégrale d’Élie Wiesel! Promis je m’y mets. Juste après avoir épluché l’insta de Caroline Receveur (comment elle est canon!).

Pendant que je mangeais des pastillas, la calée du livre continua à jouer les baromètres culturels, jusqu’à ce que José, vienne me sortir de là. Très vite, il me fit part de son envie de rédiger son autobiographie avec moi mais que son nom à lui soit sur la couv’ :
–Qu’est-ce tu en penses ? Ce serait super, si on pouvait bosser ensemble.
-Je sais pas, faut que je voie quand même…
Même séparés par huit personnes, je sentais des ondes de fureur provenir de Micka. Non, mais franchement, si on peut plus discuter en tout bien, tout honneur… En plus, j’avais peut-être une touche pour un boulot. (J’étais effectivement sur une touche, mais pas celle que je croyais. Ça je le saurais plus bas dans le texte). Comme quoi, on peut aller vers ses quarante ans, et être toujours bloquée sur la planète Naïveland/Club Dorothée. (Quand j’ai appris le décès d’Ariane était décédée, j’ai eu grave de la peine!) Au moment où le Tajine aux pruneaux a été posé sur la table, l’odeur divine qui se dégageait me rappelait avec nostalgie la cuisine de ma grand-mère. Soudain, je voyageais dans le passé, dans le Maroc des années 60, où je revivais une vie que mon père m’avait décrite tant de fois. Et comme une perruque dans le Tajine, dès la première bouchée, Meilleure lectrice 2019 demanda le silence. Très mal élevée, je ne m’arrêtais pas de manger. (J’avais fait exprès de ne pas trop prendre d’entrées). La bouche pleine de raisins secs, je manquais de m’étouffer quand je l’entendis dire :
–Chers amis, nous avons la chance d’avoir à notre table deux écrivains.

J’avalais presque de travers car mêmes les raisins secs avaient été surpris par cette soudaine mise en lumière. Évitant de me planter de trachée, je finis le reste sans incident. Curieuse, je me voulais savoir qui était l’autre écrivain de la soirée. C’est là qu’elle appela son fils qui avoisinait les… huit ans.
-Junes, je te présente Mendel- Milan Shwartz Sa première bande-dessiné sur les pieuvres et les volcans magiques (???) vient d’être éditée. À ce jour, plus 70 exemplaires se sont déjà écoulés.
En prenant en compte 0,0002 % des parts du marché des lecteurs qui pouvaient être intéressé par le sujet, le petit M&M’s s’en sortait pas mal du tout. Cependant, sans vouloir jouer les marocaines susceptibles (si peu !!), tu peux pas t’empêcher de te sentir un poil vexé qu’on te mette sur le même pied d’estale qu’un gamin! En Maman super fière, elle continua l’éloge de son rejeton en allant jusqu’à nous encourager à discuter «entre écrivains». Heureusement, M&M’s m’avait à peine jeté un regard, et moi je l’avais regardé de côté. Sérieux ? «Entre écrivains», quoi???Ne sachant pas interpréter le regard noir que je lui lançais (mon mari me dit toujours que j’ai l’air juste d’une déséquilibrée quand je prends cet air), elle se mit à m’énumérer tout ce qu’elle avait mis en œuvre pour faire connaitre son fils. À coup de tracts devant les écoles, d’envois de « manuscrits » aux maisons d’édition, de participations à des jeux concours pour jeunes écrivains en herbe. Même si au début, j’étais un peu braquée contre elle (je me faisais une projection privée de Massacre à la tronçonneuse), en écoutant tout ce qu’elle s’était démenée pour son garçon, je commençais à ressentir de l’admiration. Je me disais que si chaque parent croyait autant aux aptitudes para scolaire de son gosse autant qu’elle, peu importe le résultat, celui-ci aura un matelas rembourré de confiance en lui pour sa vie d’adulte. À la fin de son exposé, je voulais limite qu’elle devienne ma coach (j’en cherche une!) sauf qu’elle me donna le coup de grâce :
–Je ne t’ai pas dit le meilleur, Junes ! Mendel a même remporté un premier prix !
–C’est bien ça. C’était quoi le prix ?
–20 000 dollars.
WHAT ???
Le petit M&M’s a gagné 20,000 dollars???
Purée, pour la première fois de ma vie, j’étais jalouse d’un gamin! La honte!
–Et toi, Junes tu as déjà gagné un prix ?
Évidemment, c’était pile l’instant où toute la table n’avait plus de sujet de conversation, et tous avaient entendu la question. À ma grande surprise, mon mari répondit à ma place :
–Si vous parlez de jeux concours, ou de récompenses alors non, Junes n’a jamais rien gagné.
Je ne crois pas qu’elle gagnera un jour un truc (penser à mettre de l’arsenic dans la bouffe de Micka). En revanche, sur d’autres plans, elle a gagné bien plus! À travers son blog et ses livres, elle a gagné une tonne d’amies, a rencontré des tas de gens extra partout dans le monde, et surtout elle a trouvé sa voie. Alors franchement, on s’en cogne des prix!
Karine, son mari Missippien, et même Bibliothécaire Girl l’applaudirent. Juste après, celle-ci me tendit sa carte, et me soufflait :
–Je suis fière de mon fils mais je crois que ton mari l’est tout autant. Si tu as besoin de mon aide, pour développer ton activité, cela me fera plaisir de les partager avec toi. Ah et…au fait, ne donne pas ton numéro à José. Son histoire de manuscrit c’est juste sa manière d’obtenir ton numéro. Je le connais, il fait ça à chaque fois.
C’était sur cette révélation que la soirée se terminait. Sur le chemin du retour, je me disais que même si mon mari n’a jamais lu une de mes livres, je réalisais que cela n’a pas d’importance. On a souvent tendance à avoir une image idéale des preuves d’amour alors que la magie c’est qu’elles peuvent apparaître sous différents aspects selon le style de la personne. À nous de savoir simplement les interpréter…. Love you guys. À mercredi en vidéo ! Gros bisous.
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