En général, j’adore le mercredi vous raconter mes péripéties, et les situations pourries et nombreuses qui m’arrivent, parce que c’est cool de rire, et de tout. Mais, aujourd’hui, j’ai une histoire pas mal à vous conter :
La semaine dernière, j’ai eu mon père en Facetime, qui habite désormais presque en Israël (le presque fait référence aux quelques va et vient en France). Je racontais mes déboires éducatifs, lorsque soudain il m’a dit :
– Tu ne devineras jamais ce que ta mère et moi avons fait ce matin !
– Des courses ?
– Non.
–Vous avez été au Kotel/ mur des lamentations ?
– Non plus. Tu sais qu’on fait d’autres choses, depuis qu’on a déménagé. À t’entendre, on dirait qu’on ne fait que ça !
– Je me doute, mais à chaque fois que je vous appelle, vous faites soit ça, soit l’autre ! Bon, vous avez fait quoi, alors, de différent ?
– Eh bien figure-toi que nous revenons de la Bar mitsva de ton cousin Oren.
– Ah…
Oren est l’un des fils de l’une des nombreuses sœurs de mon père. Ma tante et son mari sont les heureux parents de huit enfants. Parmi leur fratrie, il y a Oren, qui est un peu différent des autres. Je ne l’ai rencontré qu’une fois, à l’occasion du mariage de ma grande sœur. Pendant le Chabbat, j’avais été très touchée par la solidarité de cette famille. Tous les enfants, ainsi que les parents, s’occupaient à tour de rôle de lui. Bien qu’il soit le plus grand par sa taille, il est le plus petit mentalement parlant. Je me souviens très bien que dans l’après-midi, j’avais installé des jouets pour mes filles, et on avait installé ceux d’Oren. Spontanément, cousin et cousines avaient joué pendant un petit moment ensembles. J’en avais pleuré, car à observer la famille de ma tante, pas une fois je n’avais senti « le poids » et la difficulté de s’occuper d’un enfant comme lui. Je n’avais vu que des rires et des sourires, à chacun de leurs gestes échangés. Le premier qui me dit que les israéliens sont durs et n’ont pas de cœur, je lui mets mon poing dans la gueule. Voilà, c’est dit ! Ça fait du bien.
Car tout est une question de culture, de mentalité, et de perspective, qui sont radicalement différentes des nôtres, français de pure souche (ma chronique sur mon passage à Paris arrive lundi à grands pas, et justement, j’en aborderai le sujet).
Lorsqu’est venue la date du treizième anniversaire d’Oren, dit la Bar-Mitvsa, mon père m’a expliqué qu’au début, les parents étaient réticents à l’idée de la célébrer, car cela allait comporter beaucoup de difficultés physiques. Il est clair que seuls des parents savent exactement ce qui est possible et impossible pour leur propre enfant, aussi particulier soit-il. Sauf que ma tante a oublié avec le temps, combien mon père peut être têtu quand il s’agit de réaliser une Mitsva ! Il ne recule jamais devant rien, surtout pas devant la difficulté ! J’ai rarement vu une personne aussi déterminée, quand il s’agit de parvenir à des choses révolutionnaires et inédites. Ça me rappelle quand une dame était partie le voir un jour dans un chabbat communautaire, en lui disant joyeusement :
– Monsieur le rabbin, vous faites le Birkat/ les actions de grâces après le repas pour moi s’il vous plait. Je ne sais pas lire !
– Et alors ? Je n’ai pas mangé à votre place. Allez, prenez moi ce livre en phonétique, et yalla ! Même un paragraphe, pour rendre les grâces, c’est déjà très bien.
Depuis, cette dame qui n’avait jamais ouvert un livre de sa vie, a pris des cours, et lit en hébreu et ne rate plus aucun Birkat !
Ma mère, qui n’est pas en reste quand il s’agit de suivre mon père, est partie quelques jours plus tôt acheter une paire de Tephilline comme cadeau pour le Bar-mitsva
Le jour-j, jour de mes plaintes, mes parents avaient organisés un super petit-déj’ chez eux à la maison, pour la pose des Teph’. Ils avaient convié frères et sœurs, cousins et cousines.
Au moment crucial de la pause, comme ses parents le craignaient, Oren ne se laissa pas faire du tout ! Mon père avait beau essayer de lui saucissonner le bras, rien n’y faisait ! Au bout d’une heure, désespéré, mon papa abdiquait, et concluait par un :
– Tant pis, vous aviez raison !
Sauf qu’à voir mon père se débattre pour accomplir cette mitsva, mon oncle et ma tante ont trouvé la force de reprendre le flambeau, et d’essayer à leur tour. Et là, Miracle : Orem s’est laissé faire complètement, sans aucune résistance. Il attendait seulement que ce soit ses propres parents qui les lui passent, afin qu’ils soient fiers de lui !
La fête a duré tard dans la matinée, et cela m’a fait réfléchir sur les milliards de possibilités qu’Hashem nous offre pour faire des Mitsvot. Il est clair qu’en entendant ce genre d’histoires, je vais arrêter de m’en faire, sous prétexte que la maitresse de ma poupée me gave en me disant qu’elle ne lui parle pas beaucoup. Perso, moi aussi j’ai pas envie de lui parler, elle est pas méga sympa (la maitresse, pas ma fille) ! Chacun de nous peut amener à faire le bien à son échelle. Il est clair que le niveau de mes parents dépasse la moyenne nationale (ah si, appelons des Tsadikims des Tsadikims, on ne va pas se mentir. Qui à part eux & les Loulou du Rabbi vont se galérer pour faire tout ça ?) La chose étant que même si nous n’arrivons pas complètement à faire une mitsva, je suis certaine qu’Hashem nous enverra toujours quelqu’un pour reprendre le flambeau et nous donner un coup de pouce ( qui n’a rien à voir avec le groupe FB du même nom!)
Et c’est ensemble, solidaires, que nous finaliserons de magnifiques choses.
Je vous embrasse mes chéris, à lundi ! Gros bisous
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