Quand le Chalom Baiit devient aussi sympathique que romantique !

Depuis quelques années, je suis amie avec Solange. Elle est sympa, drôle, gentille, gère sa famille comme une entreprise du CAC 40, à tout régler d’une main de maître. Le petit plus, c’est qu’elle a toujours une attention spéciale pour chacune de ses amies. La seule chose qui est un peu difficile dans sa vie : c’est sa relation de couple, qui est assez… compliquée ! Souvent, elle m’appelle pour me raconter ses déboires conjugaux qui sont difficiles à gérer au quotidien. (C’est vrai que c’est le quotidien le plus dur !).
C’est comme vendredi dernier, je reçois un message de sa part qui me demande de la rappeler de toute urgence. Les mains remplies de pâte à pain toute collante, j’essaye tant bien que mal de la rappeler sans bousiller l’écran de mon téléphone. Si mon Duc m’avait vue faire, je l’entends d’ici me dire de sa voix douce mélodieuse :
– S’il se casse, compte pas sur moi pour t’en racheter un autre !
C’est vrai que j’aurais pu d’abord me laver les mains et après la rappeler, (d’ailleurs, ce que je vous raconte donne trop envie de manger chez moi, bref, bon appétit !), mais elle avait écrit le mot urgent, et quand je vois le mot urgent, je perds une partie de mes neurones qui se concentrent pour répondre « présente ». Si je peux.
Solange décroche, et au son de ses reniflements, je sais tout de suite que ça ne va pas :
– Qu’est-ce qu’il se passe, chou ?
Elle m’explique que durant sa semaine, chaque fois qu’elle a voulu aborder un sujet avec son mari, (lui aussi est Roi mais de la Tunisie, qui exige du respect dû à son rang), que ce soit pour la gestion des enfants, de la maison, des papiers à remplir, de bloquer la date de la visite de ses parents à lui qui viennent le voir, Môssieur avait toujours la même réponse en bouche : « Ne me parle pas, tu vois bien que je suis stressé avec le travail. J’ai la tête dans le guidon. Débrouille-toi toute seule ! », ou son fameux : « On en parle plus tard ! » sauf qu’il en reparle jamais.
– Tu te rends comptes Junes, même quand je lui ai demandé de vérifier si c’était bien certains de ses costumes que je devais mettre au pressing, il n’a pas daigné me répondre. Franchement, c’est trop dur qu’il me laisse tout gérer. Tout est sur mes épaules et s’il y a un pet de travers à la maison, il a le culot de me dire que c’est de ma faute, en allant jusqu’à dire que je ne sais rien faire.
Tout en me lavant les mains pour tenter d’enlever la pâte collée sur mes doigts, j’essaye de la rassurer tant bien que mal.
– Il sait le bougre, qu’il peut se reposer sur toi, justement ! C’est une grande marque de confiance. S’il arrive à bosser sereinement, c’est grâce à toi. Et puis t’as pas besoin de lui pour prendre conscience que tu es capable de tout faire, non ?
– Mais alors pourquoi il ne me le dit pas et relève la moindre de mes erreurs ?
– Parce qu’il n’y pense même pas. Il te sent forte et cela ne lui viendrait même pas à l’idée de se dire que ses paroles sont si importantes à tes yeux.
– Oui, bah il devrait y penser, parce que si ça continue, je vais le laisser tout seul avec ses parents et ses costumes froissés !
Je réfléchis à toute vitesse et l’évidence me frappe (elle se montre violente parfois, l’évidence, pas Solange). Nous étions vendredi, et le mauvais penchant s’invite de partout même sans carton d’invitation, ou de reconnaissance faciale. On a les nerfs à vif. Et de là, m’est venue une idée :
– Tu n’as qu’à faire pareil que lui.
– Comment ça ?
– Dès qu’il essaiera de te parler, tu prétexteras que tu es débordée, exactement comme il t’a fait, pour bien qu’il se rende compte de son comportement, parce que si ça se trouve, il s’en rend même pas compte.
– Attends Juny, elle est naze ton idée, je ne vais pas ruiner notre Chabbat familial pour sa tronche.
– T’as raison ne m’écoute pas, mais parfois, mieux vaut sacrifier un Chabbat/ ou un dimanche pour sauver les 51 autres.
Elle raccroche, pas vraiment convaincue. Ne voulant pas paraitre intrusive et faire ma grand-mère Yeta en allant à la pêche aux infos avec un « Alors ? Ça a été avec ton bonhomme ou c’est toujours un con-chemar ? », il faudra attendre le vendredi suivant pour savoir si la marmite avait débordé entre eux ou non.
D’après ce que Solange m’a raconté, après notre conversation, elle ne savait pas trop quoi faire. Elle a continué à faire comme d’habitude, à cuisiner, et à dresser une table digne d’un banquet russe. Elle m’explique qu’en allumant ses bougies, elle a non pas fait un pacte avec le Diable, mais avec D. lui-même, en lui demandant de l’aider car ce jour-là, elle était vraiment à bout. (Désolée pour la référence au diable, mais je regarde la série Lucifer en ce moment).
Quand son mari est rentré, ravi de trouver que tout marchait comme sur des roulettes, les salades posées, la maison propre comme un sou neuf, les enfants brossés, avait déclaré :
– Ah ! Je suis content que ce soit Chabbat, je vais enfin pouvoir me reposer et me déconnecter du boulot.
Mon amie n’a rien dit et s’est contentée de hocher la tête, mais quand son homme a voulu lui raconter une anecdote avec l’un de ses collègues, la voilà qui lui a répondu :
– Ah non je suis désolée mais je ne vais pas pouvoir t’écouter, je dois débarrasser/écouter un enfant qui me parle/faire la vaisselle/aller faire la sieste etc.
Pendant tout le vendredi soir et la journée de samedi, Solange, très agréable et tout, a refusé de donner à son mari ce dont il avait tant besoin, c’est à dire : une oreille attentive ! Exactement ce qu’elle lui avait demandé toute la semaine passée.
Arrive la fin du Chabbat, le mari de Solange fonce droit sur elle, et la prend dans ses bras presque en larmes :
– Je crois que j’ai compris le message que tu as essayé de me faire passer. Toute la semaine, je t’ai envoyé bouler en te demander de te débrouiller toute seule et là, tu m’as juste fait comprendre que le comportement que j’avais envers toi n’était pas le bon. C’est vrai que mon boulot prend tout l’espace et empiète sur notre vie de famille mais…
– … empiète LARGEMENT sur notre vie, oui !
– Oui, enfin bon, empiète quoi ! Écoute, je suis désolé et je vais faire des efforts.
Solange s’est mise à lui fredonner les paroles de Dalida : Paroles, paroles, paroles, rien que des mots…
– Non je te jure, je vais faire plus attention à toi. Je ne veux plus jamais que tu te montres froide et distante comme tu l’as été toute cette journée. Pour te le prouver, je vais tout faire pour que cette semaine on ne se dispute pas, et être plus à ton écoute.
J’ai trouvé touchant le discours du mari qui a l’air sincère et plein de bonne volonté, même si la peste pessimiste que je suis n’y crois pas trop. Eh bien j’avais tort ! Chaiiiii pour moi !
Toute la semaine d’après, chaque fois que Solange allait voir son homme, il se montrait prévenant et attentionné. Dès qu’il y avait un signe avant-coureur de tension, le gars essayait d’apaiser les tensions entre eux, en se rappelant de sa promesse :
– Stop ! J’ai dit qu’on n’allait pas se disputer alors on ne se disputera pas. Viens je reformule ma phrase etc.
– Alors tu vois ma Junes, s’il y a quelques années, je me serais contentée de fleurs, de chocolats, de Valentino, là, son attitude vaut tous ces trucs. Le fait qu’il rende notre couple sur la top liste de ses priorités me rend la femme la plus heureuse du monde. Alors OK, je sais que ce sera pas parfait et qu’il y aura encore des frictions mais au moins, on sera deux à se « frictionner » !
– Après si le gars il veut venir avec un bouquet de fleur en plus, on va pas lui cracher à la figure, hein !
– Non mais c’est sûr, mais disons que tous ces trucs soi-disant romantiques ne doivent pas servir à camoufler les carences du couple. Tous ces artifices sont vraiment la cerise sur le cupcake quand le couple va bien.
– Exactement ! Dans Outlander tu vois, Jamie Fraser n’a pas un rond mais Clair l’aime de toute ses forces parce qu’il fait tout pour elle et….
– Pas Outlander ! Je t’en supplie, pas encore cette série.
C’est très optimiste que j’avais raccroché. Je l’avais de suite rappelée pour lui demander si elle était d’accord que je raconte ce qui s’était passé. Elle m’a donné son feu vert et m’a dit que si ça pouvait aider certains maris et femmes, avec plaisir. (Le mien compris) C’est vrai qu’on demande toujours à la femme de faire des beaucoup d’efforts pour maintenir son couple, cependant cela fait du bien quand on entend que l’homme peut y mettre aussi du sien !
Je vous embrasse très fort.
Pour ma tournée dédicace, n’hésitez pas à m’écrire sur junesdavis55@gmail.com

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