La semaine dernière, comme tous les vendredis matin, j’étais en plein dans les préparatifs des repas de Chabbat. L’heure était venue d’aller chercher mes kids à l’école. Ce jour-là, il pleuvait et neigeait à torrent (oui, ça arrive qu’il neige à torrent !) mais même si je n’habite qu’à cinq blocs, la flemme aidant et le mauvais temps m’avaient poussée à héler un taxi jaune.
Je montais dans la voiture et me faisais la réflexion supra glam’ que je sentais la boulette sépharade et le poivron rouge grillé (je ne suis pas fan du goût du vert !). Le chauffeur s’était retourné pour me demander l’adresse où il devait me déposer. Je la lui débitais comme une automate et le gars d’origine hindou qui portait un turban rose sur la tête, poussait un étonnant :
–OH MY GOOD !
Paniquée, (qu’il m’ait reniflée ?) je lui demandais s’il y avait un problème, et là il me sort :
–OH MY GOOD ! Je crois que je suis tombé amoureux de vous.
–HEIN ? PARDON ?
Je précise que moi aussi je portais mon fameux foulard « spéciale cuisinière d’un jour qui correspond au jogging moelleux du dimanche », et me dis que c’est peut-être ce détail commun qui l’a séduit chez moi (et les relents d’épices ?). En sept ans JAMAIS, mais JAMAIS un chauffeur de taxi jaune m’a regardée ou adressée la parole à part pour se plaindre du temps/de la circulation/du fait que ma carte de crédit ne passait pas !
Trop étonnée, je me mets à rire tant la situation était absurde et lui disais :
–Allez, arrêtez vos bêtises. On fonce à l’école.
Le gars méga sérieux, me demande si je suis mariée.
–Mais oui, ! Et j’ai trois petits loupiots en plus !
Sa tête n’arrêtant pas de faire des allers-retours entre la route et moi, il m’explique qu’il n’est pas jaloux et me propose qu’on mette les voiles tous les deux pour aller diner ou prendre un verre.
Je rigole de plus belle car venant de Paris, le physique du bonhomme me fait penser à mon ancien vendeur de marrons qui était à Belleville. Lui et moi vivions dans deux mondes parallèles qui ne croisent pas, mise à part le moment où il me disait à la sortie du métro « 2 euros les marrons chauds ». Je donnais à Ali mes pièces tout en me demandant si les marrons étaient réellement Cacher vu qu’ils étaient chauffés par un non juif ! (Et aussi si c’était vrai que des rats et des souries envahissaient les sachets de marrons crus à l’endroit où ils étaient entreposés).
Ne voyez pas là, une phrase raciste ou de ce genre là parce que ce n’est pas du tout ça, (j’adore le cinéma Bollywood !) c’est juste que nous venons de deux cultures complètement différentes et l’occasion de devenir amis ne s’est jamais présentée. Lui comme moi !
Du coup, en pensant à tout ça, je me mets à rire mais lui demande quand même d’arrêter sa blague. Le gars insiste pendant les six minutes de trajet et me soutient qu’il est très sérieux, en me promettant qu’il ne dira rien à mon mari. Il me demande cinq fois mon numéro de téléphone comme à l’époque du Vietnam (avant quand j’étais celib’). Tellement étonnée face à son insistance, je lui dis que je suis très flattée mais que c’est no way ! (À part Sam Heugnan, mon acteur écossais de ma vie, jamais je ne quitterai le roi du Maroc pour un autre. Si la situation se présente, je suis même prête à faire déménager toute la famille pour habiter à Glasgow et boire du Whisky en devenant une vraie poivrote avec le nez rouge et tout).
On arrive devant l’école, il continue à me harceler pour venir me chercher dans une heure afin qu’on aille « dater ». Je redeviens sérieuse et lui dit « NON », mais le ferme celui qui ne laisse aucune place à la discussion.
À travers les vitres, je tends ma monnaie pour régler cette agréable course (c’est vrai, c’est toujours agréable quand un homme vous sort qu’il vous aime même si je doute fort de la profondeur de ses sentiments).
Et là, choquée, le chauffeur chope ma main pour… l’embrasser. C’est à mon tour de hurler le « OH MY GOOD ! GET AWAY FROM ME ! » et retire violement ma main. Je lui crie qu’il a dépassé les limites. En réponse, il proclame qu’il m’aime ! Je sors de la voiture aussi vite que possible et malgré ses incessants klaxons et mon envie de lui faire un joli geste obscène que mon foulard de religieuse m’interdit d’effectuer, je reste digne (et toujours un peu choquée) jusqu’à mon « engouffrage » totale dans l’école.
Le soir, je raconte l’anecdote à mon mari (POURQUOI ? Pourquoi je raconte cette anecdote ? Sérieux, parfois je dois être complètement folle et mériterais des bonnes « tannées » pour me faire taire à jamais ! Genre la fille qui veut se rendre intéressante auprès de son mari ). Le Roi s’insurge et condamne fermement le geste et n’hésite pas à qualifier le comportement du bonhomme comme un harceleur en herbe et qu’il m’a agressé, en allant jusqu’à citer l’affaire Weinstein :
–OOOOOOH ! Ça va détends-toi, faut pas exagérer non plus. Ok le chauffeur aurait pas dû me pécho la main…
–QUOI, IL T’A PÉCHO LA MAIN ?
–… mais de là, à parler d’agression physique, y a un monde….
Le Roi, supra énervé ne dit plus un mot sur notre affaire du jour. Pour détourner la conversation qui a tourné en une gigantesque vinaigrette, je parle avec nostalgie de mon vendeur de marron Ali
A la première bougie de Hanoukka, le Roi me demande de m’assoir et car il a une surprise : sur un plateau il m’amène des marrons tous chauds avec des beignets en me disant :
–Ils sont non seulement cacher mais en plus je me suis assuré qu’ils n’étaient pas entreposés dans une cave. De plus, je t’ai chargé ton compte Uber de 50 dollars comme ça plus jamais tu prends de taxi jaune et PLUS PERSONNE NE T’EMBRASSERA LA MAIN À PART MOI. DESSINE- MOI UN PORTRAIT ROBOT QUE JE LE RETROUVE POUR LUI FAIRE LA PEAU. SI JE L’ATTRAPE etc etc….
Je crois que s’il m’avait offert les dernières baskettes à la mode, je n’aurais pas autant apprécié le cadeau car finalement la jalousie est le piment de l’amour.
Je vous embrasse. Hag Sameah. À lundi pour une chro. sur le thème : quand j’ai presque failli mettre le feu à la baraque !
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