Les deux premières semaines des grandes vacances, j’étais contente de la situation. Franchement, cela faisait du bien à tout le monde de ne pas courir le matin comme des fous. Mes enfants pouvaient se réveiller à l’heure qu’ils le souhaitaient. Je me demande encore, pourquoi, oui POURQUOI, il y en avait toujours un sur trois qui se levait à 6hoo du mat’ ? Ce n’était pas supposé se passer comme ça ! Comme les sorties par exemple ! J’en avais prévu un paquet, afin qu’ils rencontrent la lumière du jour et non celle qui émanait de leurs écrans.
Pendant nos visites dans les musées telles que Madame Tussaud, le musée d’histoire naturel, Le Moma, le musée Riley et aussi le musée de l’illusion (qui porte bien son nom puisque j’avais eu l’impression que la visite avait duré trois heures et non quarante-cinq minutes comme c’était prévu au départ), j’ai dû gérer les bagarres, les pincements corporels hip-hop ni vu ni connu, et les conflits.
Ensuite, il a fallu consacrer du temps aux devoirs de vacances de mes filles. JE HAIS LES DEVOIRS DE VACANCES. C’est mon mari qui m’avait suggéré l’idée :
–Cela ne pourra pas leur faire de mal !
–À elles non, à moi oui ! Ai-je une tête ou le savoir-faire d’une maitresse, steuplait !?
–Tu n’as jamais passé ton BAFA et pourtant tu t’en sors pas trop mal.
Tiens ! Serait-ce un peu de reconnaissance que je détecte au fond de sa voix ?
–Tu peux le faire, Junes ! Tu as toute ma confiance.
–Et toi ?
–Comment ça et moi ? Que je m’occupe des cahiers de vacances ? Mais je bosseeeeee !
–Et à 18h00, quand tu rentres, juste dix minutes.
–* »*&%$
–J’ai compris. C’est Bibi qui va aussi s’en occuper !
Le lendemain, sur le terrain, je tentai les négociations :
–Allez trois pages avant de sortir ? Deux ? Une ? Juste un exo ?
Quant à mon ado, il émergeait de sa chambre entre 11 et 15h00 de l’après-midi. J’étais contente qu’il se repose. C’était bon pour sa croissance mais surtout, j’étais épargnée de sa voix (en pleine mutation) que je nommerai The Voice, qu’il utilisait uniquement pour me grogner dessus. Comme cette fois, en plein mois d’août, sur les coups de 13h00, il était sorti en trombe de sa chambre pour crier :
–Il N’YA AUCUN PANTALON QUI ME VA. TOUT ÇA, C’EST DE TA FAUTE. SI TU ME PRETAIS UN PLUS ATTENTION TU M’EN AURAIS ACHETÉS DES PLUS GRANDS !
était reparti aussi sec en faisant claquer la porte de sa chambre à faire trembler les murs de la maison. La seule bonne nouvelle (mise à part sa voix qui muait) c’était que depuis qu’il avait regardé la série Lucifer, il s’était mis au piano pour « avoir autant de classe que Tom Ellis ».
N’empêche, à l’aide d’une appli, il a appris tout seul, plein de mélodies.
Hier, pour les derniers jours avant la reprise (c’est jeudi, hé hé !), avant d’aller au parc, nous avions fait un crochet par le Bagel Store. Devant nous dans la file d’attente, il y avait un client habillé en …mi-homme, mi-femme. Entre les deux, quoi ! Je vous décris le gars, c’est plus simple : barbe, bagues plein les doigts, talons, robe à fleurs à fines bretelles, soutien-gorge apparent, rembourré de mouchoirs (plusieurs en dépassaient). Le tout avec des poils bien visibles.
Mon fils, à qui rien n’échappe, me demande en chuchotant :
–Maman, le monsieur, il est transgenre ou gay ?
–J’en sais rien. Il est comme il est. Y a pas besoin de mettre un nom.
J’en déduis un chouïa perturbée que mon petit/grand garçon de presque 13 ans a très bien intégré les deux catégories. Comme il me le répète souvent : On n’est pas dans les années 80 maman, mais en 2019. S’ensuivit une conversion entre nous, franche et étrange à la fois :
–Ai-je le droit de te dire que je trouve ça moche un homme avec une barbe et des talons, sans pour autant me faire passer pour quelqu’un de sexiste ou d’homophobe ?
–Bah tu dis ce que tu veux, mais tu le juges pas. T’imagine le pauvre, dans quelle galère il est déjà !
– J’ai du mal à comprendre, en fait.
–N’essaye pas de trop comprendre fils et mange ton bagel.
Mes filles, qui jusque-là n’avaient pas prêté attention à cette personne, alors qu’elles étaient parties déposer leurs plateaux vides, furent interpellées par « lui/elle ».
–Hi, girls ! J’aime bien vos shoes !
Hélas, elles prirent peur (surprises, peut-être ?) et hurlant comme des folles, elle se SONT réfugiées dans mes bras. On quitta le restau et le cercle infernal bagarres/pincements corporels/ conflits reprit, sauf qu’en prime j’ai eu droit à mille questions à la seconde concernant le Monsieur hybride. Chacun se disputant pour me parler. Je redoublai de patience et essayai de gérer au mieux la situation. Je précise que j’étais en mode chameau, avec sacs, boissons, trottinettes que je portais à bout de bras. N’en pouvant plus, je demandai de l’aide à mon grand. ET voilà qu’il me sort son éternel couplet : « C’est toujours moi qui fait tout ici, blablabla. Je ne sais pas ce que tu deviendrais sans moi un jour, blablabla. » Et puis, vint la phrase de trop.
Sûrement sous l’influence de la série Lucifer qui avait un peu trop déteint sur lui, il me lança :
– Tu veux que je te dise, je supporte plus ta façon de respirer. Pourrais-tu respirer en silence pour avoir la paix !
Nous étions presque aux portes de l’enfer… euh pardon, du parc. Je lâchai alors tout ce que j’avais en main (boissons comprises mais on s’en fout) en faisant abstraction des moms et nanys amérloques présentes, je perdis complètement les pédales (rien à faire du jugement des autres !) :
–TU M’AS DIT QUOI ? T’EN AS MARRE DE M’ENTENDRE RESPIRER ! TU VEUX QUE JE TE DISE MOI CE QUE JE SUPPORTE PLUS CHEZ TOI ?
–Non, ça va. Je suis bien.
–CE N’ÉTAIT PAS UNE QUESTION ! JE SUPPORTE PLUS TA FACON DE ME RABACHER QUE MON ACCENT EN ANGLAIS EST POURRI CHAQUE FOIS QUE JE M’ADRESSE A QUELQU’UN. J’EN PEUX PLUS QUE TU CRITIQUES LA MANIERE DONT JE GÈRE UNE SITUATION ! L’ANNEE PROCHAINE C’EST 2 MOIS EN COLO COMME TOUS TES COPAINS. JE VEUX PLUS TE VOIIIIIIIIIR. JE ME CASSE. ON VA PLUS AU PARC.
Mes filles et mon grand sont choqués par ma réaction. Nous rentrons tous dans un silence de mort, essayant de suivre le rythme que je leur imposais. En rentrant, comme une gueuse, j’allai m’enfermer dans ma chambre pour pleurer sans m’arrêter. Je vous passe les « je suis une mauvaise mère », « j’y arrive plus », « hurler en pleine rue, quelle honte ! » (Oui, à froid, on fait toujours moins la fière !). Au bout d’un moment, quelqu’un tapa à ma porte. J’entendis même une petite voix me dire :
–Viens maman, on a une surprise pour toi.
En sortant de mon terrier, je découvris une maison rangée et mon fils aux fourneaux. Il s’était mis à faire des crêpes ! Depuis quand il sait où sont rangées les poêles, celui-là ? (Je vous dis pas l’état de la cuisine !). Tous les trois me demandèrent de m’assoir sur le canapé. Ethan prit place face au piano portatif qui trônait au milieu du salon, fit craquer ses doigts et sa nuque avant de se mettre à jouer. J’eus le droit à un vrai concert, ambiance opéra rock de Mozart avec en prime une crêpe en bouche, très très mauvaise mais c’était une crêpe quand même !
Juste avant la fin de son solo, mon artiste en herbe (merci Tom) s’arrêta de jouer. Il regarda ses sœurs, et ensemble, ils entamèrent une chanson que j’adore particulièrement, pour ensuite venir me faire un énorme câlin. Ils me dirent d’une même voix qu’ils étaient désolés et me remerciaient de tout ce que j’avais fait pour eux. Émue, je leur répondis :
–Non c’est normal. Merci à vous pour cette magnifique surprise qui me ravive le cœur, mais sérieux les chéris, vivement l’école !
Très bonne rentrée à tous. Je dédie cette chro à toutes les mamans de la terre.
Ps : Mon tome 3 arrive dans moins d’un mois. Le compte à rebours a commencé. La date de sortie officielle sera annoncée très prochainement.