Début octobre, j’avais reçu ce fameux coup de fil de l’assistante du sous-directeur. Je précise qu’à mes débuts, chaque fois que je voyais le nom de l’école apparaitre sur mon écran, je tremblais de peur, mais étant donné que l’école m’appelle à peu près cinquante fois par an, même les battements de mon cœur se sont calmés : « Non mais laisse ça doit être rien, encore ».
J’entends encore la voix nasillarde de l’assistante me dire : « Well, le sous-directeur, Mister Prince (oui, comme Prince. RIP) veut vous rencontrer pour une small conversation ». Là, encore je savais que la petite conversation n’allait être en rien petite.
J’arrive mon verre de thé détox à la main, (En vue de la Bm de mon fils si D. veut, je suis une diète très stricte depuis deux mois. Mon but : récupérer mon poids d‘avant mariage. Je vous passe les phases où j’ai les ¾ du temps envie de plonger ma tête entière dans une Pkaila, ou une Dafina ou un plat qui finit en A. C’est méga coton mais la lutte est longue, mes sœurs de calories. Même pas en rêve, je renonce !) Bref, je rentre dans la pièce, et découvre un small groupe de 5 personnes. Roooh tout ça pour moi !
Je prends place et sens que l’entretien va être musclé ! Quand on me convoque, ma stratégie est simple : j’écoute d’abord et après je défonce (si nécessaire, of course !). Les dames en face de moi s’étaient mises à m’expliquer que mes Fifilles avaient raté un test national. Ce test informatique est effectué par tous les élèves de l’état de New York. Je suis perturbée car, assis à ma gauche, je remarque que le sous-directeur n’arrête pas de bouger nerveusement sa jambe sous la table. Je décide de l’ignorer. Les drôles de dames, pas drôles du tout, me posent les résultats sous le nez. Résultats qui selon elles, sont catastrophiques. Moi, pas du tout paniquée (alors, qu’elles oui !), je leur réponds que ce test est naze et ne veut rien dire. C’est un QCM et les gosses cochent les cases au pif. Je leur demande de me montrer les vrais contrôles qu’elles effectuent en classe, plutôt que ces résultats qui n’ont aucun sens à mes yeux. L’une d’elles prit la parole : « Well, on préfère se baser sur ces résultats nationaux. J’ai le regret de vous annoncer que vos filles ont le niveau académique d’un enfant de 2 ans ½. », Me balance-t-elle derrière ses grosses lunettes noires. D’instinct, je veux lui attraper la cuisse et la lui mordre à pleines dents, la trainer par les cheveux le long du couloir, pour lui cogner la tête contre le mur dans le seul but de lui faire regretter les paroles qu’elle vient de prononcer. Cependant, finir ma journée en cellule pour coups et blessures n’était pas sur ma liste du jour. Contrainte de ravaler ma colère, je serrais les dents à m’en mordre l’intérieur des joues. Face à mon silence, le sous-directeur, de plus en plus nerveux vue sa jambe qui n’arrêtait pas de gigoter, m’expliquait qu’il serait judicieux de leur faire passer un test psychiatrique (De quoi ?). Il se tournait vers l’une des pétasses, pardon, vers l’une des raclures qui était présente pour lui demander de confirmer le prix de cette évaluation psychiatrique :
–Well (encore une qui dit well, je le lui fais avaler), entre 8000 et 12 000 dollars par enfant. Mais pas de panique, si tu déclares à ton assurance que tes enfants ont des soucis mentaux, tu peux obtenir une ristourne.
Bah voyons ! La voilà la solution ! Si elle m’avait annoncé que Cyril Hannouna arrêtait TPMP, elle n’aurait pas pris une voix plus naturelle. À ce stade, je savais d’ores et déjà que l’entretien allait se terminer dans un bain de sang, vu que j’allais tous les buter. Et puis d’abord, d’où j’allais leur sortir entre 16 et 24 000 dollars !? De plus, je revois Fifille 2 le matin même me rappeler mon rendez-vous chez le dentiste, car je l’oublie souvent volontairement. Ce à quoi Fifille 1, lui répondait de se mêler de ses affaires et d’arrêter d’être angoissée pour tout le monde. Donc leur demande d’évaluation, ils pouvaient aller tous ensemble la jeter aux toilettes.
Comprenant que je n’étais « pas coopérative » Mister Prince, fit appel à Miss Culpabilité : Attention, c’est à vous de rentrer en scène pour la faire craquer. Il me sermonnait, en me disant que je devais bien ce test à mes gosses.
Ne voyez pas là, la mère juive aveuglée d’amour pour ses petits. Loin de là, j’ai plutôt tendance à leur demander de travailler sur leur caractère. En restant pleinement consciente qu’ils ne sont pas parfaits. Mais à cet instant, devant ces cinq guignols, je trouvais leur évaluation complètement injustifiée. Au bout d’une heure trente, à 5 contre 1, avec l’impression d’être enfermée dans un bureau de la CIA, tant ils me harcelaient pour que je signe leur demande, j’étais à deux doigts de craquer. D’ailleurs je m’étais mise à pleurer comme une enfant, avec la morve et le reniflement de nez tant ils m’avaient chamboulée le cerveau. Dans un sursaut de courage, je leur glissais, que je devais d’abord consulter mon mari.
D’un coup, Mister Prince recula de sa chaise et se tourna vers son assemblée féminine : –Attendons le père alors.
Ledit père se pointa deux jours après et là, je réalisais que l’égalité homme/femme avait encore du chemin à faire ! J’aurais pu filmer cette équipe de bras cassés éducatifs, tant ils étaient tous aux petits soins avec Monsieur Davis. J’entendais des « Mister Davis » par ci, des « Monsieur Davis » par là. Cela m’avait tuée car je n’avais en aucun cas eu droit au même traitement. En revanche, le Monsieur Davis en question les a tous enfumés en leur prouvant par A + B qu’ils disaient tous n’importe quoi. Suite à notre résistance, nous avions atterri devant la dirlo de l’école.
Déjà cette dame est un phénomène de société. Maman de 5 enfants, elle porte tous les jours des perruques blondes différentes. Elle pourrait être le sosie officiel de J.K Rowling tant elle lui ressemble, fait un taille 34, à 43 ans et gère plus de 300 kids, dont 30 % sont des français. Elle est tellement débordée par les frenchies-demandes (pouvons-nous avoir des légumes verts à midi plutôt que des pop-corn et du Ketchup ?) qu’elle organise des réunions privées rien que pour nous.
D’emblée, elle nous sort le même blablabla, mais on a droit en prime au jeté de cheveux et aux sourires ultra-brit. La voilà qui nous propose la classe intermédiaire.
–Oh non pas « la petite classe » ! Ai-je envie de hurler.
En Israël ils ont le même système de classes qui sont dédiées aux enfants qui rencontrent des difficultés à suivre le cursus général. Premier hic le prix : 45 000 dollars l’année oui, oui rien que ça. Deuxième problème : mes filles n’ont aucun mal à suivre le cursus général.
Je bouillonne de l’intérieur. Soudain Miss Rowling version jewish mama interrompt son exposé qui a pour but de nous convaincre (mon mari a l’air conquis, le traître !) et me pose une question :
–Miss Davis, êtes-vous énervée contre moi ?
Hein ? Si je suis énervée ? Bien sûr que je suis énervée. Vous me faites croire que mes gosses n’ont pas assez de vocabulaire en anglais alors qu’elles sont nées sur le sol américain, et qu’elles sont chez vous depuis l’âge de 2 ans ! Je ravale mon argu et très poliment détourne la question :
–Non, pas du tout. Je suis juste contre le système de la petite classe, qui isole les enfants.
C’est là qu’elle se lève et me demande si elle peut me faire… un câlin.
What ? Un câlin ? Non, je dois rêver, c’est pas possible. J.K Rowling m’ouvre grand ses bras, et me pousse tout contre elle. Elle me souffle :
–Je sais que cette conversation n’est pas plaisante mais je veux que nous soyons amies malgré tout.
Brusquement, elle se détacha de moi, ferma le dossier et me proposa de reporter cette conversation à plus tard.
Je ne dis pas un mot et comprenais qu’en réalité elle m’avait donné ma chance. Le soir-même et pendant les mois qui avaient suivi le « câlin-Time », je fis travailler mes poupées tous les soirs, durant 45 minutes chacune. Je repris toutes les bases et parlais aux maîtresses régulièrement.
Il y a deux semaines, j’étais de nouveau convoquée. La dirlo me tapa la bise (bah oui, elle croit vraiment qu’on est potes) et m’informa qu’au vu de mon investissement avec mes Fifilles, elle acceptait qu’elles passent en CE1 normal (purée tant de prise de tête, pour de si petites classes, non mais je vous jure…),À la seule condition, qu’une prof de leur écurie vienne contrôler leur niveau pendant juillet et août à raison de deux fois par semaine .
C’est ainsi qu’elle venait de bousiller tous les plans de mon été puisque j’étais assignée à ne pas quitter le territoire… D’où mon fameux pétage de plomb et l’envie de quitter le privé, vers une école de quartier.
Je vous écrirai la suite des évènements dans quelques semaines. Je vous embrasse.
À très vite.
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