Depuis six ans, chaque semaine mon mari et moi, prenons une baby Sister pour sortir en amoureux. Généralement quand je dis ça à des copines, cela suscite trois réactions bien distinctes :
–Ça va pour toi, tu t’éclates !
–Nous aussi on a cette habitude, mais on essaye de sortir une fois toutes les deux semaines/par mois/par an.
–Purée, on devrait le faire nous aussi. Chéeeeeeeri, on sort demain !
Donc, ce soir-là, nous avions appelé un taxi pour nous conduire au restaurant. Nous étions en route quand, tout à coup, je décide d’aborder le sujet délicat des grandes vacances (Pour Pessah, les négociations ont été rudes mais le débat est pratiquement clos). Chaque année, occuper les enfants Juillet- août, est un vrai casse-tête. Faut meubler cette période. L’idéal, est de les mettre au centre aéré, et ensuite direct en Israël. Il y a aussi la fameuse option Clubs Med, mais hélas, pour ceux qui mangent strictement Cacher, c’est mort.
–Bah quoi, ça va ! Si tu manges que des salades, et du poisson grillé, c’est ok. En plus, les mecs là-bas, ils ont GRAVE l’habitude, tu sais.
Je vois d’ici le cuisinier mexicain du club Med de Punta cana, bouquiner le Choulhan arrouh/le livre des lois le soir. La journée, il hurlera sur ses gens si par mégarde l’un d’eux aurait pris la louche pour la sauce à base de crustacés et l’aurait trempé dans la ratatouille « 100 % végétarienne ». Oups !
–Bon, bon, ça va, personne n’en saura jamais rien. Allez, mets tel quel sur le buffet à volonté.
J’ai bien pensé à ramener des boîtes de thon à l’huile et des sardines mais la vérité c’est pas un kiffe. J’ai aussi pensé aux Clubs Cachers comme ceux qu’ils proposent pour Pessah, mais récemment j’ai appris que 3 semaines en Grèce avec le club T. c’est 25… mille euros. Aouch !
D’autant plus que chez nous, les vacances c’est trois mois et le montant des camps d’été équivaut à la valeur du PIB du Royaume-Unis, j’exagère à peine. Du coup, j’avais cette fabuleuse idée de venir un mois et demi en France pour profiter des joies du Gan Israël. Il paraît que les enfants adorent et par extension, les parents aussi. J’en parlais à mon homme qui commençait à s’agiter sur son siège et à soulever les problèmes actuels liés à la France :
–Non mais tu ne te rends pas compte avec les gilets jaunes !
–C’est que le samedi. T’inquiète.
–Et puis l’antisémitisme. C’est relou.
–Pas plus qu’avant. Y en a toujours eu.
–Non mais c’est pas ça. Je crois pas que ce soit hyper sécurisé. Je serais angoissé de vous savoir là-bas et moi tout seul ici. Franchement c’est pas un bon plan et puis qui va me faire à manger le soir. Je vais pas commander à chaque fois, ou me faire des pâtes. Je vais devenir gros.
–Ah bah oui, peu importe si moi je vais me galérer ici avec les 3, à les sortir, à faire des activités avec eux, c’est rien ça du moment que Monsieur a son plat diététique tous les soirs ! Franchement t’es grave.
J’avais donné le la, pour une bonne prise de bec. Chacun avançait ses arguments à voix haute, ne pensant pas une seconde que le chauffeur parlait français. Au moment où je repartais sur un couplet « Tu ne me comprends pas. Tu ne sais pas ce que sait que d’avoir un ado sur le dos, et deux petites au caractère bien trempé. Les mettre devant un écran n’est pas une solution. Il faut les faire brouter le grand air etc etc… », j’entendis soudainement le chauffeur Black me dire avec un accent qui venait du fin fond des Antilles :
–Tu dev’ais écouter ton mari ! C’est ton mari qui a raison.
Surprise, je lui faisais répéter :
–Pardon ? C’est à moi que vous parlez ?
–Oui, c’est à toi que je parle. Tu devrais écouter ton homme. Il pense à ta sécurité et la sécurité des enfants. Mais toi tu ne veux rien entendre dans ta tête de blanche.
–What ? Ma tête de blanche ?
Mon mari commençait à rire doucement. Il paraissait même très amusé par la situation et me laissait me débrouiller. Je m’insurgeais en répondant au chauffeur :
–Excusez-moi Monsieur, je parle à mon mari. Ceci est une conversation privée (Euh…tellement privée que la meuf l’écrit sur son blog ! Enfin, on se comprend quoi !). Si j’avais su que vous parliez français, je n’aurais jamais rien dit.
–Ça ce n’est pas le problème. Le plus important c’est le RESPECT DE L’HOMME.
Et là, il commence à taper sur le volant d’un air très énervé :
–DEPUIS TOUT À L’HEURE JE T’ENTENDS. TU NE PENSE QU’À TES REVENDICATIONS. TU N’AS PAS LE RESPECT DE TON MARI. ET LE RESPECT C’EST QUE TU TE TAISES.
–Que je me taise, ben voyons !
–Y EN A MARRE DE CES BONNES FEMMES QUI NOUS FONT CH**. Tu m’entends mon frère (il regardait Micka dans le rétro) ELLES NOUS EM*** À LA FIN. LES FEMMES D’AUJOURD’HUI NE CONNAISSENT PAS LEUR PLACE ! ELLES NOUS CASSENT LA TÊTE.
Plus il montait dans les octaves, plus de la moutarde me montait au nez :
–Excusez-moi Monsieur, j’ai autant le droit de parler que vous.
–VOUS PARLEZ TROP. TU ME RAPPELES MA QUATRIEME FEMME. ELLE AUSSI AVAIT DES REVENDICATIONS ET ÇA S’EST FINI DEVANT L’AVOCAT.
–Pas étonnant que vous soyez divorcé 4 fois.
–TOI TU AS LA LANGUE BIEN PENDUE. MON FRÉRE NE TE LAISSE PAS FAIRE. TU AS LE DROIT D’EXIGER TON REPAS TOUS LES SOIRS.
Micka rigolait franchement alors que moi pas du tout et je comptais bien le lui faire savoir au nom de toutes les bonnes femmes de la terre. Il allait voir de quel bois se chauffait Junes Davis :
–Vous savez monsieur, sur Uber les chauffeurs sont notés de 1 à 5 ! Pour tous vos propos misogynes je vais vous mettre qu’une étoile !
–JE M’EN FOUS DE TON ETOILE ! C’EST TON MARI QUI A RAISON ET TU VAS L’ECOUTER !
Ah ! Ça y est soudainement, j’avais tout compris. Rav B. était de passage à New York. La voilà l’explication. Il avait dû briefer certains chauffeurs de taxi, parce qu’il ne pouvait pas être partout à la fois. Sauf que Rav B. n’aurait jamais sorti de telle âneries aussi archaïques.
On arrive devant le restaurant. J’ouvre la porte supra énervée, et décidais de taper à la vitre côté chauffeur. Il la baissa. Et je hurlais en brandissant mon portable :
–Qu’une étoile ! Ça c’est pour votre quatrième femme. Hop ! Dans les dents !
Il démarra en trombe sans me répondre. Pour le reste de la soirée, mon mari n’arrêtera pas de rire et de me sortir cette phrase : Junes, le respect de l’homme. Même quand je demanderais au serveur un thé avec du miel, il osera me dire : tu lui dois du respect, c’est un homme !
Plus tard, cette nuit-là, je découvrirais que le fameux chauffeur m’avait lui aussi mis une étoile (La saleté) et cela m’avait fait réfléchir : Est-ce que oui ou non, nous les femmes d’aujourd’hui, ouvrons trop nos bouches ? Je me tournais vers Davis pour lui poser directement la question. C’est alors qu’il me répondait :
–Heureusement, que les femmes ne se laissent plus faire comme aux siècles derniers. Bien sûr qu’aucun homme n’acceptera de se faire insulter ou se sentir rabaisser par sa femme, ça c’est la base, mais dire ce que tu penses, défendre tes idées, et avancer des arguments, ce n’est en aucun cas un manque de respect. Surtout quand parfois je peux me montrer un vrai débile.
–On est d’accord. Parfois, tu as le cerveau défaillant. Heureusement que tu t’es marié avec moi.
–N’en profite pas non plus.
–Bah c’est toi qui l’a dit.
–J’ai utilisé le mot débile juste pour l’image.
–On est bien d’accord.
– Junes ne me traite pas de débile.
–Je n’ai jamais dit ça.
Etc… Etc…
Je vous embrasse, à très vite. Si vous aussi il vous est arrivé une histoire similaire dans un taxi. N’hésitez pas à me l’écrire en com’
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