Quand tu assistes à la Bar-Mitsva du fils de Coco version Américaine… 

Dès que j’ai eu la carte en main, le ton était donné ! Il y avait non seulement un timbre à l’effigie du petit Kevin, mais la carte était en réalité un carton mis sous verre. Je notais la date du déjeuner Chabbatique auquel nous étions invités. Je découvrais que le repas allait se dérouler dans le nouveau centre du frère d’Edmond Safra/Fleg/De Rothschild (chercher l’intrus!). J’avais déjà ouïe dire que dans l’Upper East, un nouveau centre communautaire avait ouvert ses portes. Il paraissait même que c’était un truc grandiose. Hormis le fait qu’on allait devoir se taper 45 minutes de marche sous un cagnard à crever, j’étais ravie d’aller vérifier de mes propres yeux si on avait encore exagéré en superlatifs ! Attends c’est bon, des centres communautaires super beaux, on en a plein en France, non !? J’en ai pas là en tête mais c’est sûr qu’il y en a.
Le samedi matin on se lève tous aux aurores, c’est-à-dire 9h30 du mat’. Heureusement que la veille, j’avais préparé psychologiquement ma tribu en répétant en boucle telle un dictaphone bloqué sur la touche reapet : « Je vous préviens, demain on va marcher. Et je ne veux pas de plaintes. Allez-vous coucher tôt ! » Autant vous dire qu’ils ne se sont ni couchés tôt, ni abstenus de plaintes.
Pour gagner du temps, j’avais étudié le choix des tenues de toute la famille. Non seulement pour faire honneur à la famille de Coco, mais surtout pour que l’on soit tous présentables auprès des riches. Attention l’Upper West migre ! J’avais passé une tenue pas trop mal mais un poil too much (preuve en image). Sur le mode : je donne tout.
J’étais si motivée que j’étais même prête à me taper toute la marche en talons, quitte à arriver avec une cheville cassée et les pieds en sang. Cependant, le côté raisonnable de mon couple, mon mari, m’en a dissuadé :
–T’es complètement dingue ma pauvre. Va vite mettre d’autres chaussures. Tiens pourquoi pas, celles qui te font des pieds de porcine.
–Tu veux dire, mes ballerines ?
– Oui, celles-ci. Tu seras plus à l’aise.
–Mais on s’en fiche d’être à l’aise !
Je ne pouvais même pas porter des shoes en back up car le Erouv n’est pas partout dans Manhattan.
–Et puis, tu veux pas plutôt enfiler autre chose que cette robe rose ?
NE JAMAIS ECOUTER SON MARI EN MATIERE DE TENDANCE !
Hélas, la raison l’avait emporté (je déteste être adulte !), et j’avais dû me résoudre à y aller avec ma taille réelle. Mais je gardais ma robe rose ! Pour nous y rendre, il a fallu traverser Central parc. Je vous passe les « J’ai faim, j’ai soif, je veux une glace, t’as qu’à dire au marchand qu’on revient demain pour le payer, j’en ai marre donc je m’assois sur un banc, sur l’herbe, par terre, on arrive quand ? ». Nous arrivions enfin. Premier constat : Rien que les portes étaient Waou ! En chêne massif agrémenté de vitraux ! Ça transpirait de beauté.
À peine un pied à l’intérieur, un staff mis à notre disposition, nous distribua des serviettes parfumées pour nous rafraichir, de l’eau et des petits gâteaux. Ensuite, comme c’était la fin de l’office (un grand bravo à la famille Davis pour sa ponctualité !) des hommes de couleur en costard-cravate, prirent en charge les trois cents invités que nous étions, notamment en appuyant sur les boutons d’ascenseurs qui allaient nous mener au dernier étage. Celui-ci s’ouvrait sur une verrière avec vue imprenable sur la ville. La décoration florale valait à elle-seule le PIB du Maroc. Très vite, j’avais pu scanner les toilettes des dames présentes. Hormis mes chaussures plates, fiouff, j’avais très bien fait de me saper comme si je faisais partie (par accident) de la famille des Windsor (plus Kate, que Megan !). Je répète : NE JAMAIS ECOUTER SON MARI EN MATIERE DE TENDANCE !
Dès que les portes s’étaient ouvertes, un groupe de boys bands composé de six chanteurs s’étaient mis à nous chanter a capella tout en nous accompagnant à notre table. Ils iront ainsi de table en table, en enchaînant des chansons méga connues avec des voix à vous faire dresser d’émotion les poils de vos bras (du moins ce que vous n’avez pas encore enlever au laser, mesdames). C’était fantastique d’originalité ! J’eu le temps d’apercevoir le petit Kévin, son frère et leur sponsor, pardon leur père qui étaient tous les trois habillés en costumes blancs et nœuds pap’ rouges. Ils avaient le dress code parfait pour se rendre à une soirée de feu Eddy Barclay ! (Il est mort ou non ? Je ne sais même plus. Faut que je vérifie.)
De notre côté, nous nous sommes retrouvés assis avec un promoteur immobilier et sa femme ainsi qu’une dame, son mari et leurs quatre enfants entre 8 et 15 ans. Assis droits comme des I, les gosses étaient hyper bien élevés, et s’étaient mis à se présenter à tour de rôle avec nom, prénom, âge, classe, ambition dans la vie : « Bonjour, je me nomme Linda. Je suis en cm2 et je joue au Hockey l’hiver et du baseball en été. Je veux devenir journaliste ». À les entendre, on sentait qu’ils étaient programmés pour être des winners. Et dire que mes filles disent à peine bonjour, et se cachent encore derrière ma main. J’aurais pu utiliser mon grand pour rivaliser, mais à la seconde ou il avait mis les pieds dans l’immeuble, il avait rejoint ses copains. Jamais là quand on a besoin de lui, celui-là ! Pendant le repas, mes héritières avaient eu le temps de m’attraper 3 fois la perruque, (plus tard je découvrirai devant un miroir, que j’étais coiffée comme si j’avais mis les doigts dans une prise). Elles voulaient soit me demander de les emmener aux toilettes, au buffet ou juste pour me raconter quelque chose qui n’avait rien à voir. Ce sera comme ça toute l’après-midi ce qui anéantira toutes mes chances de vie sociale !
En quittant la table à regret pour remplir mon rôle de mère, je découvrais une Halla géante qui trônait le long du buffet. J’avais l’impression qu’on avait injecté le même produit que dans Chérie, j’ai rétréci /agrandi les gosses ! Quand tout à coup, il y eu un lâché de je ne sais combien de ballons qui ont atterri sur nos têtes. Ils avaient été planqués dans un sac accroché au plafond. On pouvait voir sur les ballons de nouveau la tête figée du petit Kevin qui souriait ! J’avais dû mener une lutte sans merci avec cette pluie de visages pour atteindre ma table. Le soir même, j’en ferais des cauchemars. Je m’étais rassise et avait réussi à reprendre la conversation au vol. Le papa des enfants modèles travaillait chez Google et sa femme était consultante chez Nike. Super ! Elle se tourna vers moi et me demandait depuis combien de temps nous vivions à NY. Elle reconnut mon accent à couper au couteau et me confia qu’elle avait quelques notions en français.
CONSEIL DE JUNES : Méfiez-vous des gens qui vous disent « j’ai quelques notions ». Ma voisine de table parlait un français parfait. En comparaison avec mon anglais appris sur le tas et le tard où je fais en moyenne 8 fautes/mots, je pouvais aller me resservir au buffet !
Elle me confia qu’elle avait fréquenté le Lycée Carnot jusqu’à ses treize ans et avait eu beaucoup de mal à s’acclimater à l’environnement américain. La femme du promoteur immobilier qui était israélienne se joignait à nous. Elle nous expliquait que c’était méga dur pour eux aussi car leur culture était bien trop différente. Cela faisait chaud au cœur de savoir que chacune, à notre niveau, on galérait avec la mentalité américaine.
D’un coup, le petit Bar mitsva leva son verre pour le fameux cling cling et c’était parti pour 40 minutes de discours de la mère, du père, de la grand-mère, du meilleur ami, avec en prime, anecdotes sur anecdotes qui nous avaient pris en otage, nous les invités. J’avais dû une fois de plus quitter ma place pour ramener de nouveau mes petites au petit coin (sérieux elles ont une vessie proche du néant ou quoi ! Qu’elles arrêtent de boire ou… qu’elles y aillent toutes seules !). Joignant le pénible à l’utile, j’en profitais pour visiter ce complexe de plus de 10 étages dédiés à la vie juive ! L’un des étages avait un terrain de basket digne de la NBA ! Je n’ai jamais vu ça de ma vie. Je ne savais même pas que cela pouvait exister !
Je revins pile au moment où une énorme pièce montée faisait son entrée. Contrairement à ce que j’avais vu dans les films, ce n’était pas une femme dévêtue qui en sortir, mais un joueur de baseball. Oy ! Je ne savais même pas de qui il s’agissait, mais au vu de l’excitation générale, cela devait être un joueur connu !
Sur le chemin du retour, je repensais à tout ce que j’avais vu. D’un côté, je trouvais cela fabuleux de célébrer la majorité du petit en grande pompe, même si j’étais à des kilomètres de tout ça. Je comprends pleinement cette envie de faire plaisir et de partager de manière ultra généreuse ce passage important à l’âge adulte. De l’autre, je me suis mise à me souvenir de ma propre fête de Bat-Mitzvah que mes parents avaient mis des mois À organiser. Il y avait un clown, un mime et des pommes d’amour. Avec le recul, cela faisait plus goûter d’enfants. Surtout avec ma robe de princesse et mes bagues aux dents en guise de diadème. N’empêche, j’avais cette espèce d’innocence et de reconnaissance envers mes parents qui s’étaient sués pour moi.
Cette société de « show off » comme dirait mon fils, a tendance à me faire rigoler même si elle me fait un peu peur. Je ne suis pas certaine que donner une fête avec autant d’opulence pour un enfant de treize ans ne le rende pas plus tard un peu blasé de la vie. Après, je ne critique pas, chacun est libre, mais la simplicité d’une pomme d’amour restera à jamais gravée dans mon cœur de petite fille. Rien ne rivalisera avec ce souvenir, pas même le meilleur des groupes de boys band, le stupéfiant lâcher de ballons, ni le gigantesque gâteau surprise avec des messieurs cachés à l’intérieur. Less is the best !
Gros bisous. A mercredi pour une autre histoire.
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