Une américaine chez une parigote/marocaine ça donne quoi…


Je ne sais pas si vous êtes comme moi, mais quand je vais chercher mes enfants à l’école, j’ai un emploi du temps très serré. En mode devoirs, bain, repas, dodo et aussi linge, sans compter le diner à préparer. En bref, dans la semaine, tout est assez minuté. Je sais, ce n’est pas très glamour comme quotidien, mais c’est la réalité d’une ménagère de moins de 50 ans.
Donc quand une maman de l’école qui venait souvent l’année dernière avec ses filles chez moi, m’a demandé en début d’année si l’on pouvait continuer nos petits rendez-vous mère-fille, j’ai décliné offre. Oui, cela peut paraitre pas sympa, mais je vous explique tout de suite pourquoi.
La première raison, c’est qu’en rentrant au CP, mes loupiotes ont plein de devoirs (en plus de mon grand qui en a des tonnes), et c’est un peu une priorité absolue.
La deuxième c’est que lorsque je lui avais demandé si nous, on pouvait aller chez elle, elle avait dit que ça n’arriverait jamais parce que chez elle, c’est trop petit. Ah ! Tu connais ce type de gens que tu reçois tout le temps et qui eux ne peuvent jamais t’inviter ! Bah au bout d’un moment, t’en as marre d’être la farce dans le dindon. Cela me rappelle toujours un poème qui était accroché à la porte de la cuisine de ma mère : « petite est ma maison mais grand est mon cœur ». Ça résume tout.
Oui mais voilà, la fille de la maman de l’école n’a pas arrêté de me supplier de venir jouer avec mes filles à la maison. Avec le même regard du chat dans Shrek, accompagné d’un :
– Steuplait, steuplait, steuplait… fois 15 !
Eh bien, on fait quoi dans ces cas-là ? On fond, pardi ! En plus, au fond, si je mets de côté les millions de choses que j’ai à faire, je trouve ça sympa, d’avoir des enfants qui viennent jouer avec les miens. Donc le lundi, je conviens avec la mère de prendre sa mouflette après l’école en priant pour qu’il n’y ait pas de plan galère comme l’année dernière où « maman de l’école » avait tendance à rester jusqu’au diner. Le jour J arrive, et je constate que la grande sœur est toute seule et que sa mère n’est pas venue la chercher. Au bout de 15 minutes, j’ai peur d’avoir mal compris ma mission du jour alors j’appelle « american mom » qui me demande si ça ne me dérange pas de la prendre avec moi :
– Euh… bien sûr, voyons. C’est open bar chez tata aujourd’hui.
Je prends la grande et mes kids et en avant toute. Sur le chemin, quelqu’un nous klaxonne dans une voiture New Beetle jaune. Par défaut, je ne me retourne pas parce que je ne connais personne en New Beetle jaune, mais mes petites invitées du jour oui, et pour cause, c’est leur maman.

– Ah. Hello. Ça va ? (Qu’est-ce que tu fais la ? On avait pas dit que tu venais les chercher dans une heure ?).
– Je viens chez toi. Ça va être fun !
Oh boy ! Je visionne ma montagne de linge que j’ai fichue à l’entrée de la maison que j’avais prévu de plier juste après les devoirs. Oui, je sais, ce ne sont pas de vrais problèmes, mais ils sont là et ils existent pourtant ! Je me sens hyper mal quand je mets la clef dans ma serrure et que misère de misère, je sais qu’elle va découvrir tout mon barda : allez hop envolée la mère qui gère bien sa baraque car en plus, j’avais oublié de jeter mes ordures en partant.

En rentrant Copina s’en fiche, va directos vers mes fenêtres, et me demande si elle peut se prendre en photo :
– J’adore la lumière qu’il y a chez toi !
– Euh oui… si tu veux.
Et vas-y que je me prends des selfies sous toutes les coutures, et vas-y que je me remets du lipstick rouge passion, et vas-y qu’elle me demande de la prendre pendant que je demande aux enfants de sortir leur cahier et de commencer ces fichus devoirs. Et tandis que je tente d’expliquer un exo de maths à nos fifilles, elle me montre une photo et me demande si ses rides autour des yeux sont trop voyantes, et si elle devrait penser au lifting :
– Mais non voyons. T’es très bien, comme ça.
Même si en vrai : JE M’EN TAPE DE TES RIDES, ET AIDE MOI AVEC LES GOSSES !
Je me sens mal d’un coup, d’être dans la peau d’une maman hyper stressée qui pense qu’à son train-train quotidien car en comparaison avec elle, je suis carrément moins fun. Alors je lui propose un thé, même si on voit pas le rapport avec la réflexion d’avant. Ce à quoi elle me répond :
– Later ! Plus tard.
– LATER QUOI ? Il est déjà 16h45, tu ne vas pas rester COMME L’ANNÉE DERNIÈRE. TU VAS BOIRE CE *&^&* DE THÉ QUE JE VAIS TE FAIRE ET TU VAS TE TIRER. T’AS COMPRIS ? TE CASSER ! PARTIR ! CAR TU N’ÉTAIS PAS PRÉVUE À MON PROGRAMME RÉGLÉ COMME DU PAPIER À MUSIQUE, MA GROSSE ! PARCE QUE SI TU NE PARS PAS, JE DOIS RESTER ET TE FAIRE LA CONVERSASION ET APRES, JE VAIS PAS POUVOIR ME COUCHER AVANT MINUIT CAR J’AVAIS PREVU D’ECRIRE UN ARTICLE À PARTIR DE 21H00 ! T’AS COMPRIS QUE JE NE VEUX PAS ME COUCHER TARD ???? T’AS COMPRIS OU PAS ????? PARS ! VAS VIS DEVIENS !
– Junes ? Are you OK ? L’eau est en train de déborder.
– Ah oui pardon, je rêvais.
Je me vois préparer le thé à la mode de chez nous avec de la menthe fraiche (lavée au savon à cause des bêtes) et des graines. Je vais jusqu’à Chinatown pour les acheter. Oui, car c’est comme ça que ma grand-mère m’a appris à le faire. Et aussi parce que nous les marocains, on a cette coutume d’être hospitaliers quoi qu’il arrive et en toutes circonstances. Si je ne le fais pas, je crains que ma mère-grand ne vienne encore me hanter, et j’ai peur du fantôme de ma grand-mère.
Alors me voilà en train d’apporter le plateau pendant que mominette se prend encore et toujours en photo. Les enfants sont déchainés. Ça hurle, ça court dans tous les sens. Dès que je pose tout sur la table, la voilà qui poste une photo sur Insta, mes verres made in Maroco, avec pour légende : #teatime, n’arrêtant pas de s’extasier devant sa photo. Chaque fois qu’elle aura un like, son tel bipera. Elle me posera des questions de type : comment les françaises entretiennent leur peau ?
– Chez elles. Elles vont chez elles pour se mettre de la crème hydratante et elles se lavent les cheveux à l’eau d’Évian.
– C’est vrai ?
– Non, je rigole.
Elle se rassoit confortablement. Et nous voilà à papoter des rituels de beauté de chacune (J’en ai pas vraiment en fait. J’ai fait genre que j’en avais pendant toute la durée de la conversation. La vérité, à part me démaquiller le soir, et me mettre de la crème matin/et soir, je ne fais rien d’autre. Et vous c’est quoi vos astuces ?)
Vers 18h50, tout ce monde s’en va, ENFIN ! Mon fils viendra me faire part d’une nouvelle, et je lui raconterai le coup du selfie et de la photo insta car la dame a quand même eu 786 likes en 2h. D’un air très philosophique, il me dira :
– C’est comme ça dans la vie, maman, il y a des gens, ils postent une photo, ils vont avoir de suite des tonnes de likes et des follows. Toi, tu vas poster la même photo, tu vas à peine atteindre les 10 likes. C’est comme mon pote Max, il ne révise jamais, et il a que des A+ à tous ses contrôles, et moi je vais travailler comme un chien et je vais arriver péniblement au B, allez max (encore celui-là ?) au B+.
– Eh oui mon fils, c’est la vie et le Karma. Et puis d’abord, on s’en fiche des likes et des follows, ce n’est pas ce qui définit une personne. (Mais c’est pas pour autant qu’il ne faut pas liker ma chronique du jour, ça fait toujours plaisir, hein !). Le plus important, c’est de faire ce que l’on peut dans la vie, en essayant de se dépasser soi-même.
– Et blablablabla. OK, mom. Bon, tu vas la réinviter ?
Je n’en sais rien car d’un côté, c’est super important d’ouvrir sa porte, et peu importe si les personnes en face nous l’ouvrent. De l’autre, je trouve que je suis de moins en moins Rock’n’roll. Est-ce que la réalité de la vie me rattrape ? Est-ce que je m’encroute dans mon quotidien, en étant toute déstabilisée s’il y a un changement de dernière minute, à m’angoisser si les choses ne sont pas faites ? Au secours, je crois que je suis devenue une adulte. NOOOOOOOOOOOOOOOOON !
Je vous embrasse et vous raconte la nouvelle de mon fils :
Il m’a expliqué que sa prof est partie en congé mat’. La remplaçante a dit aux élèves que ce n’était pas certain qu’elle revienne. Mon grand garçon me sort :
– Comme si elle avait besoin de nous le préciser. Ça va, on le sait.
– Comment ça ?
– C’est connu, dès que les mamans accouchent, elles deviennent folles de leur bébé.
– Comment tu sais ça, toi ?
Je commence à paniquer, en me faisant tout un film que le gosse se rappelle quand ses sœurs sont nées et qu’il a senti que je l’ai peut-être dénigré ou abandonné etc.
C’est là qu’il me dit :
– J’ai vu la pub Pampers.
– Et ?
– Dès que le bébé sort du ventre, la mère est comme une dingo. Du coup, c’est évident que la mère n’a aucune envie de quitter son enfant pour revenir bosser.
– Ah d’accord, et merci Pampers, pour ton côté éducatif.
Gros bisous. On se retrouve cette semaine pour le chapitre 2 des mémoires de mon père.

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